5e Biennale de Montréal : Nouvelles frontières
La 5e Biennale de Montréal est intitulée Remuer ciel et terre. Bilan des interventions à l’École Bourget et à la Parisian Laundry.
Voici une bonne cuvée pour la Biennale de Montréal (BM). J’y ai retrouvé l’intensité des meilleurs moments des Cents jours d’art contemporain des années 80 et 90, montés, eux aussi, par Claude Gosselin.
Vous y verrez une prolifération d’oeuvres (plus de 50 artistes sont de la fête) dévoilant un bel éventail de pratiques, et vous constaterez que depuis plusieurs années, une fascination pour les univers de l’enfance et de l’adolescence occupe beaucoup de place en art contemporain. Je pense, entre autres, à l’installation de Peaches (une tente pour adolescentes composée de t-shirts de vedettes et d’un vidéo d’un concert rock), aux portraits de jeunes hommes de Paul P., aux dessins (faussement) enfantins d’Annie Pootoogook, aux maquettes (évoquant les maisons de poupée) de Sarah Anne Johnson, de David Hoffos et de Graeme Patterson…
Vous pourrez aussi mesurer l’ampleur des interventions où l’artiste devient presque scénographe de théâtre. Là encore, la BM est à l’image de la scène artistique internationale. C’est d’ailleurs dans ces interventions, dans ces décors, que vous retrouverez les meilleures pièces. Le (faux) bar irlandais, appelé paradoxalement Candahar, de Theo Sims est très caustique quant aux liens entre l’Occident et le reste du monde. À l’opposé de cet espace très mâle anglais, 2boys.tv nous proposent une fausse loge de drag queens envoûtante. Très juste est aussi l’intervention de Noam Gonick et Luis Jacob (à la Parisian Laundry) qui met en scène la nostalgie des années 60 et du peace and love.
GÉOPOLITIQUE
Je me permettrai cependant quelques reproches. En premier lieu, le visiteur sera surpris par le fait que si peu d’oeuvres semblent avoir été faites pour l’événement. Plus souvent qu’autrement, les pièces exposées paraissent avoir été parachutées là, fonctionnant souvent mal avec le lieu et avec le concept de la BM qui, il faut le dire, est plutôt large.
Le dépassement des frontières et l’hybridité sont des thèmes ressassés ad nauseam au moins depuis le début des années 80… De plus, les résonances de ces thèmes semblent parfois boiteuses. Le commentaire de Scott MacKenzie, repris par le commissaire Wayne Baerwaldt dans le catalogue, mériterait une longue discussion. Je le cite: "Pour définir une frontière, il faut non seulement un espace géographique, mais aussi un espace imaginaire. Si les deux conditions ne sont pas remplies à la fois, l’efficacité symbolique de cette frontière disparaît. Il serait difficile de trouver meilleur exemple de ce fait que la situation au Québec"! Amener ce débat (aux échos politiques indéniables) dans cette biennale me semble faire porter à l’art et aux artistes un poids démesuré. Notons que malgré ce que Baerwaldt annonçait en entrevue (cette biennale devait énoncer un amour du Québec), la BM 2007 aurait pu inclure plus d’artistes québécois. Sur les 53 artistes ayant une notice biographique, on en retrouve huit disant travailler au Québec. Notons aussi le peu d’artistes étrangers… Une BM finalement très canadienne-anglaise. Comme quoi toutes les frontières n’ont pas disparu.
Malgré ces limites, les oeuvres sont de qualité. Espérons que, en dépit des peurs de son directeur Claude Gosselin, la Biennale reste à Montréal et ne parte pas totalement pour Toronto.
Jusqu’au 8 juillet
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