David Altmejd : La nuit des loups-garous
David Altmejd, qui représentera le Canada à la Biennale de Venise, est en solo ces jours-ci à la Galerie de l’UQAM. Échos.
"(…) C’est l’image de la bibliothèque de Borges qui surgit, celle des galeries et des puits, des balustrades et des escaliers, des étagères et des cabines qui confinent tout à la fois les richesses de Babel."
– Louise Déry, commissaire
Dans le cadre la Biennale de Montréal, la Galerie de l’UQAM présente 5 oeuvres majeures de l’artiste David Altmejd, réalisées au cours des 10 dernières années. La grande qualité de cette exposition est avant tout de nous faire voir, en un seul lieu, la presque totalité des thèmes chers à l’artiste: transfigurations, labyrinthes et miroirs, escaliers en cul-de-sac, fragments, dispositifs de préservation, générateurs d’énergie, loups-garous et emboîtements de toutes sortes.
Il faut savoir que chez Altmejd, rien n’est vraiment ce qu’il semble être… Par condensation, déplacement, éclatement puis re-figuration, tout dans son oeuvre nous renvoie aux mécanismes du rêve. Aussi, l’artiste fait revivre plusieurs fantômes de la tradition artistique comme le socle, le cabinet de curiosité, le gisant, la vanitas et la relique. Chez Altmejd, il y a de l’érotique et de l’onirique en quantité, et son intérêt pour la transformation des corps nous place d’emblée du côté d’un rapport intime et empathique à ses grands lycanthropes qui nous ressemblent, captées en pleine transformation et comme coincées quelque part entre l’humain et l’animal, le vivant et le minéral.
Ses oeuvres sont complexes et souvent autoréférentielles: des moulages et des objets sont mis en scène dans un décor exubérant, chargé d’ornements, de bijoux, de breloques et de toutes sortes de choses scintillantes. Il y a des fleurs aussi, des écureuils naturalisés, des ossements, des cheveux synthétiques, des cristaux, le morbide toujours inextricablement mêlé à une étrange beauté qui n’est jamais très loin du monde de l’enfance. Il y a aussi l’idée de la décapitation, de la douleur et de la violence. Chez Altmejd, en effet, la mort est partout, mais elle n’est pas effrayante: elle marche doucement, toujours à moitié cachée. Elle est en fait le passage obligé vers l’inévitable transfiguration, idée centrale du travail de l’artiste.
Les constructions de David Altmejd annoncent la fin d’un monde. À la fois romantiques, futuristes et post-apocalyptiques, elles nous disent que la destruction peut être séduisante et parfois nécessaire. Par toutes sortes de stratagèmes plastiques, Altmejd laisse souvent un "trou noir" géométrique dans ses oeuvres ou dans le socle de ces dernières, une entrée inaccessible mais pourtant invitante, qui peut laisser supposer un accès réel au monde duquel sont issues ses pièces.
Entre excès jubilatoire et précision mathématique, les sculptures d’Altmejd nous donnent de bonne foi le code d’entrée de son univers de création, mais pas plus; à nous d’inventer le reste! www.galerie.uqam.ca
Choisi pour représenter le Canada à la Biennale de Venise 2007 (du 10 juin au 21 novembre), David Altmejd y présentera deux oeuvres monumentales: The Index et The Giant 2. Le plus jeune Canadien à représenter son pays à la Biennale compte transformer le pavillon national en volière, aux portes de laquelle il placera deux géants démembrés.
Jusqu’au 8 juillet
À la Galerie de l’UQAM
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