Bruce Nauman : Nauman's land
Arts visuels

Bruce Nauman : Nauman’s land

Bruce Nauman, un des dix artistes vivants les plus chers du monde, a réalisé une oeuvre multiforme qui s’étale sur plus de 40 ans. Le MAC en donne en ce moment un aperçu.

Le Musée d’art contemporain (MAC) a bien fait de bonifier cette expo organisée par le Milwaukee Art Museum et qui ne comptait au départ que des pièces faites avec des néons. En ajoutant des vidéos (ainsi qu’une installation aquatique), le MAC rend mieux compte de la richesse de cette oeuvre qui, autrement, aurait été présentée d’une manière trop réductrice.

Dans cette expo (qui poursuivra son périple en Australie cet automne), vous retrouverez donc en premier lieu des oeuvres, une quinzaine, faites avec des tubes au néon, matériau inventé en 1909 pour les affiches publicitaires. À partir des années 60, l’États-Unien Bruce Nauman (précédé d’une décennie par l’Italien Lucio Fontana) est devenu un "adepte" de ce matériau, l’utilisant pour former des écritures, des personnages ou tout simplement pour éclairer des installations. Il n’est pas le seul à avoir donné ses lettres de noblesse à ce matériau moderne qui fut aussi utilisé par Dan Flavin, François Morellet, James Turrell, Mario Merz (et plus tard au Québec par Peter Gnass et André Fournelle).

Il faut dire que ces créations de néons sont très séduisantes. Grâce à leurs couleurs vives et à leurs courbes (très bande dessinée ancienne), elles fascinent. Voilà certainement pourquoi elles ont été ainsi regroupées par le Musée de Milwaukee en les détachant du reste du corpus de Nauman. Mais il faut aussi dire que cette partie de la production de l’artiste (la plus séduisante et la plus facile) n’est pas toujours la plus intéressante, et cela même si elle aborde souvent des sujets difficiles, voire tabous. Plusieurs des pièces que Nauman a réalisées pourraient même sembler vite redondantes et littérales… Dans Raw War, les lettres formant le mot "guerre" deviennent, dans un palindrome un peu facile, le signe de la cruauté et de la brutalité de la guerre. Pour faire, moi aussi, un jeu de mots facile, je dirais que Nauman travaille souvent sur les mots des maux. Mais dans certaines oeuvres, le type de jeu langagier qu’il utilise devient plus riche et renoue plus brillamment avec l’héritage de Marcel Duchamp (qui adorait les jeux de mots complexes). En effet, cela donne parfois des effets plus mordants avec des connotations plus troublantes, comme dans cette oeuvre où Run for Fear (Fuyez la peur) devient Fun from Rear (Plaisir par l’arrière).

Mais je dois dire comment les oeuvres vidéo de Nauman me semblent indéniablement plus remuantes. La pièce intitulée Anthro/Socio est spectaculaire. Tout l’aspect joli de la majorité des oeuvres en néons a laissé place à une installation où la dureté de l’être humain, ses désirs contradictoires sont exhibés sans complaisance. La voix tonitruante de l’acteur qui égrène les mots "Feed me / Eat me" ("Nourris-moi / Dévore-moi") ou "Help me / Hurt me" ("Aide-moi / Blesse-moi") ajoute au malaise du spectateur. À une époque où la mode et la publicité ont été récupérées ad nauseam, mon choix se porte facilement vers des pièces plus ardues comme celle-ci. Là, Nauman travaille plus efficacement sur les limites de l’Homme.

Jusqu’au 3 septembre
Au Musée d’art contemporain
Voir calendrier Arts visuels

À voir si vous aimez
L’art de Dan Flavin