Carsten Höller : Jongler avec le doute
Carsten Höller, un scientifique converti à l’art, occupe l’Espace Shawinigan cet été. Il y présente Deux plus tout, trois expos qui font une relecture de la réalité.
Né en Belgique, mais résidant aujourd’hui en Suède, Carsten Höller jouit d’une solide expérience scientifique. Il a obtenu en 1986 un doctorat en sciences agricoles de l’Université de Kiel, avec une spécialisation en communication olfactive entre les insectes et les plantes. Cette formation influence inévitablement son travail artistique. Deux plus tout n’y échappe pas.
Dès qu’on pousse la porte de l’Espace Shawinigan, il faut accepter de mettre à l’épreuve nos sens, mais surtout de ne pas tout comprendre. Car Höller aime bien déstabiliser le public. "C’est vraiment fait pour faire des expériences avec soi-même", admet-il. Dans la deuxième salle, Histoires du laboratoire du doute sonde justement nos perceptions avec sa série d’installations. "Le doute ne peut pas venir d’une forme représentative. C’est quelque chose que l’on sent", clame le créateur. Ainsi, on nous invite entre autres à entrer dans un corridor où l’obscurité est si pesante qu’il faut s’agripper à une rampe pour avancer. Selon celle qu’on aura choisie (celle de gauche ou de droite), on empruntera un chemin différent qui nous mènera à un mur de lumière. "Si on ferme les yeux, on voit du rouge, du vert… C’est une expérience psychédélique!" Parc d’amusement, qui occupe le troisième et dernier espace, cherche également à nous surprendre. Si au premier coup d’oeil tout semble fixe, on constate après quelques secondes que les manèges bougent, mais à la vitesse d’une tortue. "Ça change notre perception propre, le comment on se situe dans l’espace, croit l’artiste. On voit du coin des yeux les machines, et on a tendance à les suivre." Certains en perdent d’ailleurs l’équilibre.
En fait, seule la première exposition ne porte pas vers une introspection. Le Problème belge, deux volières géantes, s’intéresse à un phénomène naturel. Cette installation s’inspire de l’histoire de l’arrivée des étourneaux sansonnets en Amérique du Nord à la fin du XIXe siècle. Un récit qui a commencé quand Eugene Schieffelin, un riche manufacturier de médicaments, a libéré environ 80 de ces oiseaux dans Central Park à New York. Ce geste qui se voulait a priori romantique a engendré une migration massive et inattendue des étourneaux, tellement qu’on les voit aujourd’hui comme des "parasites" plutôt que des oiseaux chanteurs au vocabulaire complexe.
Jusqu’au 30 septembre
À l’Espace Shawinigan
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