Cédule 40 : Le Grand Labour
Arts visuels

Cédule 40 : Le Grand Labour

Les quatre artistes du collectif Cédule 40, en plus de transformer leur oeuvre aux Jardins de Métis, ont été choisis pour créer un jardin au 400e de Québec.

En prévision des célébrations du 400e anniversaire de Québec, les organisateurs lançaient en novembre 2006 un appel de dossier pour la création d’un jardin. Le collectif Cédule 40 – Julien Boily, Sonia Boudreau, Étienne Boulanger, et Noémie Payant-Hébert – a répondu d’une proposition audacieuse et amusante: Rouages, un jardin évolutif auquel les visiteurs participeront.

Rappelons que Cédule 40 est ce collectif dont l’oeuvre avait attiré l’attention, pendant l’été 2006, au Festival international des Jardins de Métis. Ses membres font d’ailleurs actuellement une nouvelle escale au Bas-Saint-Laurent afin de renouveler leur projet de balançoire agricole (Sous-terrain de jeux), qui semait à l’usage de l’orge à tous vents. Les visiteurs avaient alors montré beaucoup d’intérêt pour leur jardin. La nouvelle version de Sous-terrain de jeux sèmera de l’orge sur des labours de céramique, répondant au nouveau thème du festival (le son). Selon Julien Boily, l’accumulation des graines permettra à certaines d’entre elles de croître malgré l’infertilité du sol sur lequel elles tomberont. "On a décidé de lancer un défi à la nature!" lance Sonia Boudreau dans un éclat de rire.

Malgré l’expérience acquise avec leur participation à ce festival international, tout n’était pas gagné d’avance en ce qui a trait au projet soumis aux célébrations du 400e anniversaire de Québec, où il se retrouvait en compétition contre ceux de grandes firmes d’architectes paysagers – qui ont au gousset pécule et riche expérience. La première phase de l’appel de dossier a d’abord résulté en la sélection de 96 propositions gardées anonymes. Toutes scrutées à la loupe par le jury, elles ont été triées de façon à ce que deux seuls dossiers soient retenus, dont celui de Cédule 40. Par la suite, le collectif a dû prouver la viabilité technique de son projet en ayant recours aux services d’ingénieurs, et ainsi assurer qu’il avait les compétences nécessaires pour réaliser un tel projet. Une subvention de 30 000 $ ne se donne pas à la légère…

"On n’avait pas beaucoup d’espoir au début…", avoue Sonia Boudreau. "C’est quand même ouvert aux architectes paysagers. Et c’est de calibre international…" Même si le jury ne savait pas qui avait soumis le dossier et n’avait accès à aucun curriculum lors de la première sélection, il semble clair que l’expérience de Métis les aura adéquatement préparé à une telle entreprise. La participation du collectif à cet événement unique qu’est le 400e offrira sans aucun doute une fenêtre remarquable sur leur travail.

Le projet proposé est une machine agricole ludique s’inspirant de l’histoire des premiers colons à avoir défriché les terres d’Amérique, ainsi que de l’industrialisation de l’Histoire plus récente, que rappelleront les immenses roues dentelées de l’installation. "On va labourer et semer trois rangs de maïs sur une longueur de vingt mètres pendant trois mois", explique Julien Boily. "Les gens vont rentrer sur le terrain, vont monter sur une espèce de promontoire, et on va les inviter à tourner une manivelle. Au bout de cette manivelle-là, il va y avoir un immense système d’engrenages […] et tout ça va tirer la charrue et le semoir sur une vingtaine de mètres." Tout a été calculé avec une précision ultime: c’est quatre millions de tours de manivelle qui seront nécessaires pour faire creuser les sillons sur les vingt mètres du jardin, ce qui devrait permettre à plusieurs visiteurs de participer au grand labour… Les artistes font ainsi, en respect avec la thématique de l’événement (Ton histoire, mon histoire, notre histoire), un parallèle avec le temps qui était nécessaire aux premiers colons pour défricher une terre farouche qui n’ouvrait ses entrailles qu’aux plus patients et persévérants. Même le choix des semences a un écho historique, l’orge et le maïs ayant crû parmi les premiers semis français en terre d’Amérique.

Le calcul est toutefois beaucoup plus élaboré qu’un simple rappel historique. Car à l’élaboration du concept et à la complexité des engrenages actionnés (dont la plus grande roue dentelée aura un diamètre de près de 2,5 mètres) s’ajoute la nécessité de la convivialité et de la sécurité de l’accueil des visiteurs. Contrairement à ce qui s’était produit aux jardins de Métis, où une surveillance adéquate et des heures d’ouverture quotidiennes encadraient les allées et venues, Rouages sera accessible aux badauds jour et nuit, ce qui impose de nouvelles contraintes de sécurité. D’où la nécessité pour les quatre artistes de s’entourer d’une équipe d’experts qui a déjà fait ses preuves lors de la réalisation de Sous-terrain de jeux et qui avait dès lors assuré sa collaboration future aux artistes.

La nouvelle version de Sous-terrain de jeux pourra être visitée aux Jardins de Métis du 23 juin au 30 septembre. Quant au projet soumis pour le 400e anniversaire de Québec, même si la première étape de sa création – l’aménagement du champ – aura lieu cet été, il ne sera accessible dans sa totalité que pendant l’été 2008.

Pour suivre Cédule 40: www.cedule40.com

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