Les Paysages de Renoir : Poésie expérimentale
Les Paysages de Renoir, propositions visuelles hautes en couleur et en luminosité, permettent de saisir la vision du peintre impressionniste sur la réalité mouvante de l’instant présent.
Avec une collection exhaustive de plus d’une cinquantaine de tableaux de l’impressionniste Renoir, le Musée des beaux-arts du Canada tente d’attirer de nombreuses foules pour la saison estivale. Après l’exposition des fameux portraits il y a déjà 10 ans, c’est une série de paysages qui nous dévoile l’évolution du travail acharné du créateur, vitrine sur ses préoccupations et surtout, sur ses expérimentations picturales. Y sont dépeints des sujets simples et sans prétention, privilégiés par la démarche de l’artiste: forêts, campagne, scènes aquatiques, scènes de rue, jardins… La diversité des thèmes choisis, ceux-ci datant de 1865 à 1883, est visiblement significative de l’importance accordée au travail de la peinture en plein air. Au détriment de la peinture d’atelier, Renoir envisage d’emblée une façon révolutionnaire de faire avancer les qualités de son art.
Les oeuvres inaugurales de l’exposition sont ainsi davantage influencées par la tradition réaliste et une vénération marquée pour Camille Corot, peintre paysagiste réputé de la fin du 19e siècle. Des compositions traditionnelles aux couleurs de la nature ne laissent en rien présager la tendance impressionniste que l’on attribue au créateur. S’ensuivent des oeuvres à la facture plus spontanée et à la palette éclaircie, résultat de sa camaraderie rapprochée avec Monet. Des paysages débordant de lumière solaire deviennent des clichés d’une saisissante instantanéité. La touche d’exécution semble alors plus rapide, voire esquissée, comme si l’artiste, pressé par l’écoulement du temps, avait voulu traduire au pinceau son impression immédiate de la scène croquée. La Yole, peinture choisie par le Musée des beaux-arts pour ses publicités, constitue un judicieux arrangement aux tonalités contrastées et aux vibrations lumineuses prononcées. De dimension moyenne, comme la plupart des tableaux de l’exposition, celui-ci s’affiche comme une expression notoire de l’énergie atmosphérique rendue perceptible par le peintre. Même le Paysage de neige de 1875, l’une des rares études de Renoir sur le thème de l’hiver, déborde d’une énergie chatoyante en nous faisant croire à un décor printanier.
Pierre-Auguste Renoir, Vue de Bougival, 1873, huile sur toile. photo: Milwaukee Art Museum, Wisconsin. Don de Jan Bradley Pettit |
La suite du parcours de l’exposition donne l’impression d’un corpus en constante évolution expérimentale. À la rencontre des tableaux peints lors des voyages du paysagiste en Algérie et en Italie, les teintes et les nuances se font plus robustes et soutenues. Les traces du pinceau sont toujours aussi vives et les compositions, inédites. Le Jardin d’essai à Alger, par exemple, inonde le spectateur de la prouesse sensible de l’artiste en le plaçant au beau milieu d’une allée de palmiers. La filtration subtile des rayons du soleil, de même que la présence d’ombres scintillantes au sol, ne sont pas sans rappeler qu’une brise légère pourrait réveiller à tout instant cette scène d’un charmant exotisme. On jurerait entendre le bruissement susurré des feuillages…
En somme, cette exposition ponctuée ici et là de figures et de personnages s’avère heureusement une rétrospective détaillée d’une pratique picturale moins connue de l’artiste. À voir pour se défaire de l’idée que Renoir ne peignait que des portraits emblématiques et pour profiter de ses coups de pinceau à la fois réjouissants et colorés.
Jusqu’au 9 septembre
Au Musée des beaux-arts du Canada
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