Si l’exposition apporte peu à celui qui connaissait déjà l’oeuvre de Donigan Cumming, elle permet toutefois d’être en présence de certaines de ses oeuvres les plus percutantes, dont plusieurs photos de Nettie Harris, cette vieille femme devenue l’icône de la proximité entre l’artiste et son sujet. Son corps flasque mis à nu sur pellicule, sa peau affaissée et ridée, tout devenait surexposé dans le réalisme cru de ses prises de vue.
C’est le même type de rapport que Cumming semble avoir développé avec une multitude d’autres sujets (La Scène, 1990, regroupant 250 épreuves, et Lying Quiet, 2005, 119 épreuves). Mis en scène dans des lieux étranges, qu’on croirait parfois trop banals pour être vrais, ils semblent naturellement tolérer des situations qui, pour certains visiteurs, sembleront insoutenables.
Cette irrémédiable preuve du contrôle du photographe trouve sans contredit un écho avec la présence de l’artiste dans les vidéos regroupées sous l’appellation Controlled Disturbance. On y entend un réalisateur parfois acerbe, contrôlant, qui pénètre brusquement dans l’intimité la plus profonde. Profanant les secrets les mieux cachés, il débroussaille sans subtilité les souvenirs les plus douloureux, jetant un regard froid sur la misère physique ou psychologique de ses sujets devenus des quasi-personnages. Ses directives sont insistantes et répétitives, et semblent chercher leur souffrance la plus intériorisée. Il les oblige à affronter des émotions encore vives, les interroge quant à la mort d’un proche, quant à la possibilité de perdre un être cher, pendant que l’oeil de la caméra, instable, semble fouiller sans arrêt à la recherche de la misère à mettre en lumière.
Pourtant, force est d’admettre que le véritable lien qui lie Cumming à ses sujets est beaucoup plus poussé que ne semblent le montrer ses oeuvres prises à la pièce. Lorsqu’on se penche sur les oeuvres présentées à Séquence, on prend conscience que c’est une véritable communauté qui a pris naissance autour du photographe. La profonde pénétration de l’intimité qui semble être tolérée par les personnages de Cumming ne peut répondre qu’à une authenticité sentie, un respect d’une profondeur égale.
Or, s’il a fallu des années de relation plus ou moins soutenue entre l’artiste et ses sujets pour en venir à une telle proximité, son oeuvre fait réfléchir quant à l’intrusion des médias dans l’intimité personnelle, exhibant les travers de certains individus, leurs histoires vraies – cette question de la prétention à une véracité s’impose aussi dans l’oeuvre de Cumming -, pour ensuite les abandonner sans retenue, cherchant un nouveau secret à mettre au jour, se délestant d’un devoir de respect sous couvert d’objectivité.
Il faut sans doute du temps pour se laisser assimiler une telle exposition, tant au moment de la visite que dans les jours qui suivent. Une émotion vive, qui tourne le fer dans la plaie.
Jusqu’au 5 août
À Séquence
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