Dominique Laurent : La fragilité humaine par la subtilité
Le projet artistique de Dominique Laurent est enveloppé d’une aura de vulnérabilité humaine et nous donne une leçon particulière d’humilité.
L’artiste multidisciplinaire Dominique Laurent nous convie à une exposition tout en spiritualité à la Galerie de l’Alliance française. Intitulée Ensemble, cette exposition est composée d’une douzaine d’oeuvres de médiums divers, dont quelques-unes sont le fruit d’une ingénieuse collaboration avec d’autres artistes talentueux de la région: Pascal Demonsand, Guy Jean, Antoni Romazsewski et Jacek Sokolowski. Ces derniers évoluent respectivement et principalement dans les domaines de la sculpture, de la littérature, de la peinture et de la photographie. "Les oeuvres réunies ici parlent de tous ces moments de fragilité où l’être humain ose la communion, la communication, la collaboration", commente Dominique Laurent. À une époque où la société prône des valeurs d’indépendance et d’autonomie, et où l’exploit individuel est constamment récompensé, l’exposition aborde cette thématique sociale à contre-courant. Nombreux sont les artistes qui tentent de poursuivre une démarche personnelle, inédite et introspective. Les réalisations en duo de Dominique Laurent constituent un exemple marquant d’effacement volontaire et de modestie bien placée.
Malgré la diversité attendue des médiums et techniques utilisés, le résultat paraît étonnamment homogène. La répétition de symboles et d’objets d’une oeuvre à l’autre semble opérer un dialogue entre chacune d’entre elles. Pour le spectateur, la rencontre est aisée, sans dissonance. On y retrouve, par exemple, Le Rêve de Jacob, une robe de soie corsetée à crinoline à paniers, créée en collaboration avec Demonsand.
Ode à l’amour, OEuvre inspirée du poème Did you sleep well my dear? de Dominique Laurent. Techniques mixtes sur masonite, 60 x 30 cm x 6 cm, 2007 |
Ce vêtement d’une ère révolue laisse déjà songeur en invitant l’esprit à une réflexion sur son histoire passée… d’autant plus que l’artiste l’a enrichi d’un texte poétique de Guy Jean (La Robe échelle) et qu’il fait l’objet d’une époustouflante photographie noir et blanc de Sokolowski (Mia Bella). C’est par cette simplicité de moyens que la complexité significative et évocatrice des oeuvres proposées est amenée.
Mais l’attrait le plus séducteur de l’exposition réside certainement dans les multiples tableaux réalisés par l’artiste. Il s’agit en fait de collages de matériaux trouvés et recyclés: papiers, soies, rubans, plumes d’oiseaux, cailloux et les fameuses "mouches" en queues de crevettes (oui, oui, la partie du crustacé qui s’ouvre en éventail, et cuites par-dessus le marché!) sont étalés sur divers supports de bois et de morceaux de soie. "Les matériaux neufs n’ont pas d’âme. Je trouve une certaine beauté aux matériaux qui se détériorent, un lien avec l’intemporalité. Je me plais à leur donner une nouvelle vie", explique la créatrice. Les mouches-crevettes, par exemple, symbolisent l’âme, la liberté, l’immatérialité. Chaque oeuvre est ainsi méticuleusement édifiée, le ramassis d’objets cédant à une disposition ordonnée et harmonieuse. La tendance est très spirituelle, presque ésotérique, avec une construction spatiale à la verticale, délimitant le ciel et la terre, ainsi qu’une palette sombrant dans les rouges violacés. Parfois, on y découvre le dessin de corps couchés, reposés, "l’enveloppe corporelle", comme dirait l’artiste.
Et cette découverte toute discrète est l’une de celles, parmi tant d’autres, qui nous ramènent à notre propre réalité terrienne: sensible, vulnérable et passagère. C’est là la fragilité humaine par la subtilité.
Jusqu’au 20 juillet
À la Galerie de l’Alliance française
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