10e Mois de la photo : Une image vaut mille mots

La semaine dernière s’est ouvert un Mois de la photo dominé par la vidéo. La prédominance de ce médium dans cet événement (comme cela s’était déjà produit il y a six ans) devrait certainement amener les organisateurs à changer le titre de cette manifestation. Si les idées liées à la photo sont en effet sorties de son cadre, il faudrait peut-être parler du Mois de l’image et prendre un tournant effectué il n’y a pas longtemps (en 2004) par le Centre de l’image contemporaine VOX, autrefois Galerie dédiée à la photographie.

Cette présence de la vidéo a aussi des impacts bien concrets et pas seulement théoriques. Les espaces d’exposition ne sont pas tous pensés pour des visionnements de ce type. Le spectateur se retrouve donc souvent mal installé, allongé sur le sol ou coincé sur une banquette sans dossier, à voir dans des conditions peu idéales des films plus ou moins longs… Au sous-sol de la Parisian Laundry, The Rape of the Sabine Women d’Eve Sussman (très proche du Baroque de Rubens et pas du tout du tableau de David) dure 1h20… Ne vaudrait-il pas mieux présenter certains de ces petits films dans une salle de cinéma (celui de Sussman était d’ailleurs projeté en salle le printemps dernier à New York)? Certaines vidéos (où la présentation en boucle a son importance) ont besoin de l’espace de la galerie, mais d’autres me semblent faire éclater la pertinence même de la salle d’exposition.

NOUVELLES NARRATIVITES?

Ceci étant dit, la commissaire invitée Marie Fraser a fait un très bon choix en prenant les "Explorations narratives" comme thème. Elle souligne, avec raison, comment depuis plusieurs années (au moins une bonne quinzaine, sinon plus), les artistes retravaillent sur la narrativité, en faisant des oeuvres qui racontent à nouveau une histoire, mais en faisant éclater ces récits. Par exemple, la disparition de la notion de début et de fin est particulièrement attaquée dans les vidéos qui sont présentées en boucle à l’Espace vidéo, dans l’oeuvre littéralement interminable de David Claerbout au Musée des beaux-arts (les variations presque musicales de celle-ci, dans The Bordeaux Piece, durent 13 heures et 43 minutes, soit plus qu’une journée d’ouverture du Musée) ou dans la pièce Klatsassin de Stan Douglas à Quartier éphémère (elle est composée de 890 variations de 5 minutes pour une durée de 73 heures!).

Mais je ne suis cependant pas sûr de partager totalement l’enthousiasme de Fraser sur ces narrativités. Je ne suis pas sûr que nous assistions "actuellement à un élargissement des possibilités narratives et temporelles de l’image […] sans précédent dans l’histoire des images". Il me semble que la "réinterprétation et recontextualisation" des modèles narratifs n’a pas commencé hier. Le travail des dadaïstes, des surréalistes, des expressionnistes, de la Nouvelle Vague (et j’en passe) et de tout le cinéma et la vidéo d’avant-garde (Warhol, Paik, Mekas, Gehr…) avait été déjà de cet ordre, c’est-à-dire entre autres une contestation très forte de la normalisation narrative du récit…

Dans ces nouvelles narrativités contemporaines, il y a le meilleur et parfois le pire. Dans le retour en force de la narration de nos jours, il y a malheureusement aussi souvent les signes d’un certain conservatisme artistique, d’un repliement de l’oeuvre sur un savoir ancien, sur un contenu à décrypter ou pour initiés. Pour comprendre la vidéo de Sussman sur les Sabines, il faut à l’évidence connaître l’histoire et l’histoire de l’art. Dans ces vidéos, il y aussi souvent des jeux esthétiques et citationnels en droite ligne des années 80, comme dans Zoo, de Salla Tykkä, où Hitchcock (encore une fois!) est cité juste pour le plaisir. Ces nouvelles narrativités tombent souvent dans des trucs formels faciles (comme le suspense) qui ne semblent pas toujours porteurs d’un contenu si fort. www.moisdelaphoto.com

Jusqu’au 21 octobre
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