Jaber Lutfi : Vagues de fond
Bienvenue dans la tête de Jaber Lutfi! La galerie [sas] nous propose en effet Visages, une immersion au coeur de cette réalité parallèle, onirique et complexe.
Jaber Lutfi refuse de laisser circonscrire sa pratique en quelques mots; ce qu’il cherche à faire, c’est situer ses oeuvres en dehors des grandes narrations qui teintent notre vision et apposent une grille d’analyse à notre esprit. Néanmoins, il laisse derrière lui quelques pistes d’interprétation. L’artiste laisse émerger du chaos des "choses", énigmatiques et silencieuses. Il engendre des paysages mutants et invente une multitude de ponts qu’il jette entre lui et nous, qui prennent la forme d’histoires elliptiques toujours ouvertes, et probablement jamais achevées.
Ses oeuvres, visuellement très compliquées, sont animées d’êtres chimériques. En y introduisant une sorte de flottement onirique et théâtral, il prend plaisir à jouer entre le complexe et l’épuré, le réfléchi et l’improvisé, l’opaque et le transparent.
À MEME LE CHAOS
D’abord, en quelques couches translucides et liquides (presque toujours à l’acrylique), différentes textures sont appliquées spontanément, presque de manière aléatoire. Ainsi, toute la surface du tableau s’anime de réseaux, plus ou moins étendus, de formes et de figures colorées enchevêtrées puis raffinées à la pointe d’une lame.
La lecture du tableau passe sans heurts du lointain au plus près, provoquant un vertige maîtrisé et tout en souplesse. "La peinture est la fenêtre d’où je considère le monde et d’où je montre un visage à mes concitoyens. L’objet de mon travail est la réalité telle qu’elle se présente dans ma solitude alors que je peins", dit Lutfi.
Dans la petite salle de [sas] sont exposés des dessins à la mine auxquels Lutfi s’est exclusivement consacré pendant 2 ans. Il avoue avoir voulu faire quelque chose relevant totalement du domaine de l’intime, avec comme résultat un nouveau souffle, qu’il a réactivé en peinture.
RIEN N’EST DIT, TOUT EST VU
Pour la toile Couple, deux silhouettes schématisées forment des ouvertures dans un mur de pierre. L’oeuvre est double: devant, la scène publique, le Verbe. À l’intérieur, une vie plus organique se meut, comme en attente. Il s’agit de deux oeuvres parallèles sur une même surface. L’une est littéraire, l’autre est visuelle; l’une s’adresse au public dans un désir de communication et de mise en commun d’un sens, l’autre est solitaire et sensible. Oui, chacun porte en soi des multitudes.
Jaber Lutfi nous présente donc un monde en perpétuel mouvement, parcouru de secousses sismiques et de lames de fond. Si les toiles de Lutfi sont si captivantes, c’est qu’on n’en vient jamais à bout: il faut les regarder longtemps, se laisser sincèrement prendre à leur jeu.
Jusqu’au 29 septembre
À la galerie [sas]
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