La Fondation Daniel Langlois : Intérêts publics
La Fondation Daniel Langlois fête ses dix ans. Que fait-elle exactement? Où se réalisent ses activités? Coup d’oeil sur cette institution.
Quand j’entends les mots "art" et "technologie" dans la même phrase, j’ai tendance à fuir. Dans le passé, on nous a tellement promis une révolution grâce à ce couple infernal… Il fut, par exemple, une époque où on prétendait que les hologrammes allaient radicalement changer notre rapport à l’esthétique. On nous promettait alors, dans un futur prochain, que les musées seraient remplis de ces photographies en relief… Et puis la "balloune" s’est dégonflée lorsqu’on s’est rendu compte que la grande majorité des hologrammes artistiques étaient d’une grande pauvreté quant au contenu véhiculé.
UNE FONDATION TRÈS ENGAGÉE
Heureusement, il y a des gens qui ont investi dans une recherche de qualité et qui ont utilisé les technologies d’une manière plus intelligente, entre autres à des fins sociales. Parmi eux, la Fondation Daniel Langlois qui, sans tambour ni trompette, a fait un travail d’un grand sérieux. Pourtant, comme le faisait remarquer en conférence de presse son président-fondateur Daniel Langlois (aussi fondateur de la célèbre compagnie Softimage), "beaucoup de gens ne savent pas l’ampleur de nos activités et l’éventail de nos interventions. En fait, elle est plus connue à l’étranger qu’ici". Cela est d’autant plus étrange que cette fondation a son centre à Montréal.
Durant dix ans, elle a dépensé entre 2 et 2,5 millions de dollars chaque année dans des projets proposés autant par des artistes que par des chercheurs ou des organismes. Dans ses interventions, une grande place a été donnée à une réflexion sur l’impact des technologies dans nos vies ainsi qu’à des questions liées à l’environnement.
Citons quelques projets soutenus par la Fondation. En 2002, en Afrique, elle a appuyé le projet "Ghana’s High Life Music", répertoire numérique d’enregistrements et de pop art, programme multimédia qui a rendu plus accessible une importante collection de musique ghanéenne. En 2003, le Centre Attakalari a ainsi pu documenter et préserver "des performances traditionnelles de l’Inde" et les rendre "accessibles à de jeunes artistes et chorégraphes au moyen de la technologie numérique". En 2006, elle a permis de développer le concept du nouvel immeuble vert pour le siège social de l’organisme Équiterre à Montréal. De beaux exemples qui montrent comment la vision d’un individu peut aller dans le sens de l’intérêt public. Et ce ne sont que deux des 157 projets soutenus et malheureusement peu connus de cette fondation.
Pour combler cette lacune, sa direction a donc décidé de mettre en place toute une série d’événements. Un colloque international sur les nouvelles technologies et l’art contemporain aura lieu le 28 septembre au Musée des beaux-arts. Y participeront, entre autres, Jean Gagnon (directeur des programmes de la Fondation), Cornelius Borck (directeur de l’Institut d’histoire de la médecine et de la science de l’Université de Lübeck), Jim Campbell (artiste vivant à San Francisco)… Une oeuvre (Machine pour prendre le temps) a été commandée spécialement à l’artiste David Rokeby pour la salle des pas perdus du Centre Ex-Centris. Et une exposition comprenant une trentaine d’oeuvres technologiques réalisées par dix artistes incontournables a pris l’affiche au Musée des beaux-arts (MBA).
DES OEUVRES INÉGALES
Malheureusement, les oeuvres présentées ne sont pas toutes d’une si grande qualité intellectuelle. Malgré la prouesse technologique qu’incarne la pièce de Rokeby à Ex-Centris, elle semble néanmoins manquer un peu de profondeur. Il s’agit d’un paysage vidéo montrant la transformation des saisons autour de ce Centre. Bien sûr, le spectateur est impressionné par le dispositif mis en place et même par la beauté des images. Deux caméras de surveillance ont enregistré sur un ordinateur, durant plus d’un an, le paysage qu’elles captaient. Ce dispositif restitue en continu des images de temps télescopés. À mes yeux, il ne s’agit que d’une réactualisation d’un vieux truc de cinéma (utilisé ad nauseam) et d’un retour à la joliesse des paysages d’une certaine époque (le tout revisité à la mode urbaine).
Cette oeuvre semble me donner raison sur le manque de contenu de certaines oeuvres technologiques où l’on confond trop innovation technique et contenu. J’ai ressenti le même malaise devant plusieurs pièces constituant l’exposition Les Vases communicants, e-art: nouvelles technologies et art contemporain au MBA. Bon nombre d’entre elles paraissent en rester à une exploration technologique (certes très intéressante), trop souvent peu convaincante en regard du sujet abordé. Mais bon, il y a aussi des surprises, comme l’oeuvre de Marie Chouinard, pièce d’une grande intensité visuelle et formelle. www.fondation-langlois.org
Jusqu’au 9 décembre
Au Musée des beaux-arts
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