Adolf Born : Humour douillet
Les gravures d’Adolf Born abordent un univers poétique et moqueur où se côtoient animaux et explorateurs aux qualités vraisemblablement humaines.
Une trentaine de lithographies et d’eaux-fortes d’Adolf Born sont exposées à la Galerie d’art Jean-Claude Bergeron jusqu’au 14 octobre. Datant des années 90 à aujourd’hui, ces illustrations donnent un aperçu de la production prolifique du maître graveur âgé de 77 ans. Le créateur de Prague, d’abord connu grâce à la publication de ses nombreuses esquisses satiriques dans les journaux européens vers les années 60, se concentre davantage sur le graphisme, le film d’animation et la réalisation de couvertures de livres lorsque la presse le censure à cause de son esprit de dérision devenu trop noir. Il remporte cependant de nombreuses récompenses en Europe et au Canada, notamment en 1974, à Montréal, où il reçoit le Prix du caricaturiste de l’année, et en 1982, lors du Festival international du film d’animation d’Ottawa.
Les oeuvres de Born présentent des référents puisés à même son expérience de voyageur, son admiration pour des faits et des héros réputés ou littéraires, ainsi que sa fascination pour le monde bestial, tant terrestre que marin. Le tout est rehaussé, à différents degrés, de la touche comique de l’artiste, transparaissant dans les actions entreprises par ses personnages et le décor dans lequel ils évoluent. Ce milieu exhibe, le plus souvent, un caractère fantastique et burlesque. Et, d’une image à l’autre, on passe d’un sujet complexe à un sujet d’une séduisante naïveté.
En général, l’iconographie historique, qu’on retrouve par exemple dans Voyage de Marco Polo, révèle une parcelle de sobriété, malgré la réussite technique et colorée de cette impression singulière. Le thème est d’une grande accessibilité et la disposition, soigneusement étudiée. Born semble vouloir ne pas offenser les cordes sensibles du spectateur, qui sait à quoi s’en tenir sans déployer trop grand effort. Par contre, dans Successful Scientist with the Clone Flea, l’absurdité de la réflexion proposée est ingénieuse. Le commentaire social, presque cynique, engage à sympathiser d’emblée avec les victimes du portrait: d’une part le scientifique obsédé, de l’autre, la puce innocente et cloîtrée. Il y a une morale à déceler derrière le concept habile du lithographe, mais l’effet final ne s’en trouve pas moins divertissant.
Salut M. de La Fontaine d’Adolf Born, 1999. Lithographie, 66 x 49 cm. |
Et pour poursuivre sur un thème animalier, Leopard Attacked by Birds, autre reproduction flamboyante en tonalités, est d’une simplicité fort touchante. Les attributs humains prêtés au félin et aux volatiles, agissant de concert avec une "loi du plus fort renversée", dévoilent l’utopie dont rêve secrètement le graphiste. L’ironie est lancée, et la modestie des créatures s’avère efficace dans la communication du subtil raisonnement.
La proximité affective de Born est hautement ressentie dans les caricatures qu’il donne à voir. Il vénère certaines questions, en chérit d’autres tout particulièrement. D’ailleurs, après une très brève discussion, il renchérit que ce sont les compositions d’animaux qu’il préfère, simplement parce que "ceux-ci, contrairement à l’homme, incarnent gracieusement toute la beauté de la nature".
Jusqu’au 14 octobre
À la Galerie d’art Jean-Claude Bergeron
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À voir si vous aimez / In the Realms of the Unreal – The Mystery of Henry Darger de Jessica Yu, les illustrations d’Edward Gorey