Jean-Pierre Ruel : Vie intérieure
Le peintre français Jean-Pierre Ruel expose à la Galerie D’Este. Pour marquer cette première exposition nord-américaine, il présente 22 toiles dont 18 ont été spécialement créées pour l’événement.
Il y a beaucoup d’histoires en même temps dans les tableaux de Jean-Pierre Ruel. Différents univers se côtoient, les uns toujours ouverts sur les autres et posés dans une aube ou un crépuscule minéral. Les scènes ne se déroulent jamais en pleine lumière; les couleurs sont souvent un peu éteintes, sauf pour une utilisation particulière qu’il fait du rouge à certains moments. Des parties complètes de ses tableaux sont carrément abstraites; néanmoins, on arrive à reconnaître les scènes qui s’y jouent. Les surfaces sont faites de couches superposées, de formes fluides et incertaines, qu’on ne peut arriver à élaborer qu’avec la peinture à l’huile. Il explique: "En fait, je travaille souvent avec des épaisseurs de matière. J’en rajoute, j’en enlève, je gratte, je peux travailler avec toutes sortes d’outils; je peux ensuite revenir sur mes oeuvres, parce que ça sèche lentement. L’huile peut être opaque ou très transparente et en fait, c’est la seule peinture qui permette de tout faire. J’ajouterais que j’ai toujours essayé de faire une peinture chaleureuse, qui vibre, et je n’ai rien trouvé de mieux que cette technique!"
Mais de quel endroit de son esprit surgissent donc ces personnages et tout ce petit bestiaire personnel? Pourquoi cette récurrence de têtes de poissons morts? Entre des thèmes religieux, des personnages et des intérieurs, des humains, des choses volantes et des choses qui marchent à quatre pattes, vivent. Les formes sont quelquefois difficiles à lire, et il faut en premier lieu se laisser séduire par l’application de la peinture et le visible bonheur que Ruel y prend: "Je travaille plutôt sur des personnages issus des mythes. Il se trouve que certains sont dans la mythologie chrétienne, mais je me suis aussi intéressé à d’autres mythologies. Concernant la série de peintures des ermites que j’ai envoyée à la Galerie D’Este, à Montréal, j’ai voulu donner le sentiment de personnages qui cherchent quelque chose à travers d’autres, en dehors de leurs temps."
Il y a aussi quelque chose de l’ordre de l’isolement et de la pétrification dans les tableaux du peintre, comme une forme d’angoisse latente et sidérée qui penche du côté des thèmes de l’enfermement, de l’absence et de l’errance. Néanmoins liées à un véritable plaisir du geste de peindre, les pulsions le traversent comme par une fenêtre ouverte, et ressortent côté réel en tableaux, toujours d’une manière extrêmement forte, extrêmement groundée. "Tout est déjà dans mes peintures. Mes toiles ne sont pas préparées ou pensées à l’avance. Quand je travaille, je n’exécute pas une idée claire. La peinture est toujours une expérience."
Ruel n’est pas très bavard sur sa pratique, mais il résume extrêmement bien la condition essentielle à la réception de ses oeuvres: "Je veux surtout laisser aux gens qui vont voir mon travail toute leur liberté d’interprétation." www.galeriedeste.com.
Jusqu’au 14 octobre
À la Galerie D’Este
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Jean-Pierre Ruel est né en 1970 à Saint-Étienne (FR). Diplômé de l’École des Beaux-arts de Lyon en 1993, il poursuit ses études à l’École des Beaux-arts de Paris. Ses premières expositions personnelles ont eu lieu à la Galerie Aittouares et à la Galerie Lucie Weill & Seligmann, en 1998 (depuis, il s’y manifeste presque tous les ans). En 1999, il représente la France à la Biennale de Rome et, en 2003, il expose à l’Institut culturel français de Séville.
Les choses vont bon train pour le peintre, qui a participé au Salon de Mai de Paris de 1996 à 2001 et à la Foire d’art de Paris, chaque année depuis 2002, excepté en 2004. Autre projet important, Jean-Pierre Ruel a réalisé, en mai 2003, une fresque monumentale durant le spectacle de Lambert Wilson Lettres à ma ville, présenté à Chalon-sur-Saône.