Kinga Araya : Errances domestiques
Arts visuels

Kinga Araya : Errances domestiques

Dans Trente-six, Kinga Araya expose un corps sans attaches qui marque l’espace de son passage. À voir absolument.

HABITER

Être témoin des efforts éperdus d’un corps déraciné de s’inscrire dans un lieu, d’être chez soi. Mais ce chez-soi, pour l’artiste d’origine polonaise Kinga Araya, ne se trouve que dans son travail. Toujours en mouvement, elle nous donne pour cette exposition un indice, une adresse qu’elle a occupée sept ans à Montréal et qui aurait pu être n’importe quelle autre adresse.

Dans ses exils domestiques, un corps, comme échoué après que l’eau se fut retirée, se niche dans des endroits inhabituels de l’appartement. C’est un corps qui veut habiter tout de ce lieu. Tous les gestes qui peuvent se produire dans cet espace, même s’ils ne se produiront jamais, sont là.

La nature familière et étrange de ces oeuvres trouble. Pourquoi? Est-ce la violence omniprésente, ou encore le caractère imprévu de ce simple corps, véhicule émotif puissant? Accroché sur le dessus d’une porte ou coulant hors du bain, il semble tellement naturel qu’il soit là, et pourtant quelque chose ne va manifestement pas.

Dans une série d’images carrées, les sens subissent l’entrave d’un objet qui les handicape. Le lieu supposé du confort et de la sécurité apparaît menaçant et inconnu, ces objets quotidiens à l’usage clair sont détournés vers une fonction obscure et inquiétante. Une tristesse émane de ces fantasmes d’apprivoisement maladroit de l’espace personnel.

DEAMBULER

Outre les images photographiques, l’exposition comprend des vidéos et une installation. Araya a introduit des meubles de son appartement dans la galerie. Ceux-ci ont voyagé avec elle en autobus, devenant complices de ses déambulations. Un classeur loge un poste de télévision présentant une compilation de huit bandes sur les allers et retours de l’artiste à Montréal. Performances et essais vidéographiques explorent toujours le déplacement, l’immigration et l’idée du foyer. Une prothèse, troisième jambe de l’artiste, dépasse d’un tiroir. L’intimidant accessoire représente la peur d’une stabilité découlant de l’immobilité, vue comme une source de ridicule.

Marcher, c’est marquer le monde de sa présence, créer son propre rythme avec ses pas. Un mur de la salle s’ouvre sur un corridor du logement trente-six – qui donne son nom à l’ensemble du travail. La projection en trois parties introduit une réflexion sur la communication émotive (Écrire). Puis la partie centrale propose une performance de 40 minutes (Dessiner) réalisée en 2004. L’occupante apprivoise, s’inscrit, négocie avec l’idée de demeurer à travers un rituel. Elle dessine le contour de son corps avec des crayons aux couleurs vives, autoportraits des mouvements possibles, envisagés et réalisés. La dernière partie (Penser) se veut un adieu à ce domicile qui fut atelier, inspiration et chez-soi ambigu.

Jusqu’au 8 novembre
Au centre Sagamie
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