Le Mois de la photo : L’émoi de la photo?
Le Mois de la photo est loin d’être fini, puisqu’il dure jusqu’au 21 octobre. Emmanuelle Léonard et Gustavo Artigas nous y font frissonner…
Durant ce Mois de la photo, le visiteur se rendra compte à quel point toute une génération d’artistes connaît très bien les codes des images dominantes (cinéma hollywoodien, photos de presse, photos de journaux sensationnalistes…). Il fut une époque, pas si lointaine, où les artistes auraient contesté totalement ce type d’image en n’y faisant pas du tout référence, en créant des représentations absolument à l’opposé… Mais de nos jours, postmodernité oblige, les créateurs vont plus dans l’infiltration que dans la confrontation, et ils miment les codes des images dominantes pour mieux les pervertir. C’est comme s’ils jouaient avec les clichés des systèmes de représentation pour mieux les montrer, mieux en décortiquer les mécanismes.
LA LEGENDE DE L’IMAGE
Pour réaliser son exposition intitulée Une sale affaire, Emmanuelle Léonard (chez Optica) est allée rencontrer des policiers qui documentent des scènes de crimes, a lu le guide qui leur est donné dans leur cours de photo… Elle s’est même rendue au Palais de justice de Québec pour y voir des pièces à conviction prises par la police comme preuves! Une des images présentées (qu’elle a photocopiée et agrandie) est d’ailleurs tirée de cette "collection"… Pourtant, cela ne nous touche pas vraiment. Même les taches de sang semblent immatérielles. Étrange situation!
Le résultat interpelle judicieusement notre désir, presque obsessif, de voir, en particulier tout ce qui est de l’ordre du tragique. Mais en même temps, ces images nous confrontent à une situation bien embêtante (en particulier pour ceux qui prétendent que nous sommes dans la société de l’image). On se rend très vite compte comment plusieurs de ces images (celles prises avec la froideur policière) ne nous disent rien, si ce n’était du titre qui leur est accolé (Accident, Noyade…). Ce dispositif qui devrait parler de lui-même semble au contraire très muet. Pour les autres clichés et la vidéo présentés, ils arrivent à nous émouvoir, car ils jouent sur des manières de faire bien connues. Le flou, le clair-obscur, la caméra instable à l’épaule (pour la vidéo) font de n’importe quels sujets ou paysages une matière à drame. Pour la vidéo, la musique vient véritablement donner du sens à l’image. Du coup, ces images nous font frissonner, car elles exposent le fait qu’elles existent grâce à un contexte langagier. Tout est récit. L’image par elle-même est souvent vide de sens.
Le Mexicain Gustavo Artigas (chez B-312) lui aussi nous confronte à notre désir maladif (presque voyeuriste) de voir. Il nous présente trois (faux) accidents de voiture mettant en scène un piéton (un cascadeur) fracassant un pare-brise. Et là encore, étrangement (et ce n’est pas une simple affaire d’habitude due au cinéma ou à la télé), cette série d’images et cette vidéo en boucle semblent dépourvues de toute qualité émotive. La représentation d’un accident nous dit avant tout que l’accident a eu lieu et qu’il est déjà passé? Malgré tout ce que l’on peut dire, une image ne vaut pas mille mots. L’image n’est pas réellement porteuse de sens et d’affect par elle-même. C’est le récit enveloppant l’image qui la réactualise et lui donne sa présence.
Jusqu’au 13 octobre
Aux centres Optica et B-312
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À voir si vous aimez /
Les films d’horreur et les photos sensationnalistes.
Emmanuelle Léonard chez Optica:
Gustavo Artigas chez B-312: