Marc Quinn
La nouvelle fondation pour l’art contemporain DHC/ART lance le bal avec l’exposition de l’artiste britannique Marc Quinn, renommé pour ses oeuvres provocatrices et conceptuelles.
C’est une réflexion sur le corps, humain ou animal, malade ou fertile, idéalisé ou distordu, qui sous-tend le travail de Marc Quinn, un Young British Artist qui partage avec ses pairs un goût marqué pour l’art conceptuel et sensationnaliste. L’exposition que lui consacre la galerie DHC/ART, un nouvel espace moderne dédié à la création contemporaine sous la direction de la mécène Phoebe Greenberg, illustre brillamment cette réflexion ave une sélection de 40 oeuvres des cinq dernières années.
Quinn, maintenant dans la quarantaine, a d’abord été remarqué pour Self (1991), une sculpture de son visage modelé avec son sang congelé. Le caractère éphémère de l’oeuvre exprimait la fragilité de la vie, de l’identité et de l’oeuvre d’art. Plus tard, dans Sky, que l’on peut voir à l’exposition, l’artiste répétait le processus avec son nouveau-né, utilisant le placenta congelé de la mère comme matière première. "Toutes mes oeuvres portent sur la désincarnation, sur ce que cela veut dire d’être une personne qui vit dans le monde", explique-t-il. Par exemple, la série des Sphinx, où Kate Moss (une amie de l’artiste) est sculptée dans des poses de yoga contorsionnistes, ses yeux troués, son sexe offert, illustre le contraste entre notre désir projeté et la déshumanisation de la top modèle. "C’est une sculpture qui ne représente pas Kate Moss, mais son image: les deux sont séparées, continue Quinn. C’est sur le fait que l’on forme des images auxquelles on aspire, mais qui sont impossibles à atteindre, que même Moss n’arrive pas à atteindre."
Si l’on peut reprocher à Quinn la trop évidente référence à Moss, d’autres artistes ayant, avant lui, sondé les dessous de la célébrité, la série The Complete Marbles, elle, explore avec sensibilité une tout autre forme de beauté: celle des corps estropiés et amputés, absents des grands tableaux et des magazines de mode, et que Quinn a sculptés dans un marbre blanc étincelant, comme des statues gréco-romaines. "J’aime le paradoxe, j’aime jouer avec les signaux, affirme l’artiste. Tout revient à l’illusion, aux jeux de perception."
On saisit d’ailleurs souvent les oeuvres de Quinn en plusieurs temps. Dans l’installation émouvante Chemical Life Support, on aperçoit d’abord des corps de cire représentant des malades captés dans leur sommeil, puis on apprend qu’ils sont constitués de la dose quotidienne de médicaments nécessaire à leur survie. Avec Garden of Eden, l’artiste a créé une série de portraits génétiques de 75 plantes et d’un couple en prélevant leur ADN, qu’il présente dans une série de vitrines sur une grande structure d’acier réflectif: c’est le jardin d’Adam et Ève, version post-moderne. "J’adore le langage de la science, admet l’artiste, parce qu’elle nous éclaire sur les mystères du monde, tout comme l’art."
Tel un artiste-scientifique maudit, Quinn remet en question nos normes esthétiques, puisant dans l’histoire de l’art et dans la nature pour créer des oeuvres aux dimensions conceptuelles complexes. Il faut applaudir la fondation DHC/ART et le commissaire John Zeppetelli d’avoir organisé cette exposition de Quinn (la plus importante jamais présentée en Amérique du Nord) et de contribuer à la revitalisation artistique de Montréal avec un programme alléchant de publications, d’évènements et de commissions de projets d’artistes canadiens. www.dhc-art.org
Jusqu’au 6 janvier 2008
Fondation pour l’art contemporain DHC/ART (451, rue St-Jean)
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