Denis Rousseau : Bougeotte suspecte
Il n’y a pas que les poissons qui gigotent ces temps-ci. Le CNE accueille Langagement de Denis Rousseau jusqu’au 6 janvier. Des oeuvres palpitantes, amusantes, dérangeantes…
Drôle d’expérience que celle de l’exposition de Denis Rousseau. Il y a de quoi être "remué". Déambuler, sillonner de grandes formes organiques, comme dans une forêt qui inspirerait à la fois joie et aversion. Le regard s’attarde en entrant sur ce qui pourrait faire penser à des sphincters ou à des espèces de filtres d’un immense animal inconnu, comme une curiosité. Quelque insecte géant extraterrestre est également accroché au mur. Puis tout à coup, quelque chose se met à bouger. Une longue et fine queue a frétillé, c’est sûr. Voilà qu’elle recommence! Bien d’autres choses se trémoussent encore, grâce à des mécanismes invisibles. Tantôt activés par le visiteur, tantôt rythmés ou aléatoires, ils déclenchent la même réaction d’amusement mêlé de trouble. Une colonne de langues s’illumine pour faire soudain des dizaines de grimaces au bruit grinçant, impertinence surprenante. Des cils gigantesques se mettent à vibrer et quelques-uns continuent nerveusement de trembler une fois le mouvement passé. Étranges pilosités, charme tracassant. Cette cinétique séduisante nous plonge dans l’embarras par le rapprochement qu’elle fait avec le corps, la sexualité, le sacré. L’organique et l’orgasmique sont imités par des courants électriques et une minuterie, ou notre passage. Le mystère de notre existence se résumerait-il à des choses qui tremblotent? Sûrement pas, nous diraient les langues de résine.
L’engagement de Rousseau va vers des considérations d’ordre identitaire, la vie, la mort, la sexualité, le pouvoir des images et la prise de parole. Langagement regroupe ses 15 dernières années de travail sculptural et photographique. Des photos de nature, d’arbres, aux pixels exacerbés, s’accompagnent d’enregistrements sonores à la voix masculine et monotone. Bruits mécaniques et trames sonores s’entrecroisent. On a froid dans le dos en regardant une pyramide de mains juchée sur un haut cône biomorphique. Leurs chairs mollasses frémissent dans un remuement maladif. Les objets peuvent gêner parfois au moyen d’un certain pouvoir de nous ramener à notre condition humaine.
Jusqu’au 6 janvier
Au Centre national d’exposition
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À voir si vous aimez /
L’art cinétique, Marc Dulude, Jean-François Vachon