Jean-Philippe Roy : Le Voyage
Arts visuels

Jean-Philippe Roy : Le Voyage

Les sculptures et installations de Jean-Philippe Roy montrent avec une simplicité désarmante comment paysage et identité sont indissociables.

"Je suis de lacs et de rivières", chantait Claude Gauthier dans Le Plus Beau Voyage. Parce que l’on devient un peu les paysages auxquels on s’identifie, qu’on intègre au tableau de nos vies. Avec Jean-Philippe Roy, le paysage est partout, dans l’infiniment petit comme dans la perte de vue, jusque dans l’intimité qu’il meuble subrepticement.

Ici et là, dans la salle d’exposition, des meubles étranges font partie du décor, mutants immobiles qu’on voudrait interroger. Sur cette table instable, les murs imparables d’une ville, petits et pourtant massifs, surplombés par une plaine dont l’horizon est fracturé par une minuscule ferme. Plus loin, une mer semble se lover contre les écueils d’un spectre de piano, construit en minces couches sédimentaires, emprisonnant peut-être comme des fossiles la mémoire de toutes les mélopées. Et là encore, la ligne d’horizon qui tient du madrier, prête à toutes les constructions de l’esprit.

Et cet univers à l’éclairage nuancé se voit baigné de la lumière rouge intermittente d’une enseigne de motel qui tourne le dos au visiteur, rappelant vaguement le souvenir d’une pièce de Michel Tremblay, Hosanna, dont le seul appartement était invariablement exposé à la lumière d’un néon flanquant la fenêtre. Un lien anecdotique, certainement, mais révélateur de la façon d’un pouvoir important du travail de l’artiste. En effet, devant l’apparente incompatibilité des représentations, chacun des visiteurs devra avoir recours à sa propre mémoire pour tenter une interprétation.

Le rapport que crée Roy entre le figuratif et l’abstrait, aussi entre l’objet et le monument, et le jeu d’échelles présent dans son travail, évoquent un réaménagement du réel qui rappelle la réminiscence des souvenirs, qui peuvent resurgir par bribes éparses. C’est avec force qu’il oblige le visiteur à prendre conscience de la façon dont chacun interprète le paysage au sens large, à la mesure de son propre vécu.

Et en quittant les lieux, cette impression étrange que le voyage ne fait que commencer…

Jusqu’au 4 novembre
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