Nathalie Bondil : Dans les coulisses du musée
Nathalie Bondil vient d’être nommée directrice du Musée des beaux-arts de Montréal et elle a de multiple projets pour cette institution qui fêtera bientôt ses 150 ans. Entrevue.
En novembre 2006, le départ de Guy Cogeval de la direction du Musée des beaux-arts de Montréal (MBA) avait laissé le milieu de l’art totalement atterré. Lui qui avait tellement apporté à ce musée et à la vie culturelle du Québec (expos majestueuses sur Vuillard, Hitchcock et l’art, Picasso érotique, Girodet…) avait heureusement laissé en place une équipe talentueuse et une conservatrice en chef remarquable.
Nathalie Bondil, diplômée de l’école du Louvre, ancienne étudiante de Cogeval, était arrivée à Montréal avec le nouveau directeur, dans "ses bagages" pourrait-on dire, en 1999. Au MBA, Bondil a, à maintes reprises, fait ses preuves en tant que commissaire de plusieurs événements majeurs dont Catherine la Grande (monté avec la Art Gallery of Ontario), expo qui a reçu un superbe accueil de la part du public l’an dernier. Bondil, qui a remplacé Cogeval par intérim et au pied levé, vient d’être officiellement confirmée dans ses fonctions pour un mandat de trois ans. À 40 ans, elle devient la première femme et la plus jeune directrice du MBA.
D’une grande vivacité d’esprit, passionnée par l’art, réputée être un véritable bourreau de travail, elle est intarissable quant vient l’heure de parler de la programmation (très fournie) du MBA et des projets d’expansion. Beaucoup de boulot en perspective! "Je ne vis pas ma vie à côté de mon travail. C’est un mot très réducteur d’ailleurs. Ma vie, c’est aussi mon travail, c’est ce que j’aime, il me permet de défendre des convictions et des idées." Serait-ce qu’elle se doit de montrer encore plus ses capacités que les hommes? "Non, pas du tout. Je suis très respectueuse envers les générations de femmes qui m’ont précédée parce que, grâce à elles, nous pouvons avoir des postes de décision. J’espère que cette évolution-là est acquise pour tous et que ce n’est plus un sujet de discussion. J’espère bien que l’on m’a engagée pour ce que j’ai entre les deux oreilles et non pour ce que j’ai ou je n’ai pas entre les deux jambes".
Mme Bondil est bien consciente de l’ampleur de ses nouvelles fonctions. "Ça demande beaucoup de travail de monter une exposition. Plus que ce que le public peut imaginer. Il faut en particulier interroger la pertinence des idées que nous avons. Pourquoi ce sujet d’exposition? Pourquoi est-il important de monter une telle exposition ici, à Montréal? Que peut-elle nous apporter comme réflexion aujourd’hui, mais aussi pour demain? Que peut-elle nous apprendre sur ce que nous sommes? Mon goût personnel va vers les expos à fort contenu historique. Mais l’oeuvre est polyglotte, et il faut montrer la multiplicité des discours sur lesquels elle ouvre".
AU MENU
Alors, que pourra-t-on voir au MBA dans les prochaines années? "Dès le 31 janvier, il y aura une expo sur l’art de Cuba, de 1860 à nos jours. C’est un sujet qui me touche particulièrement, car il nous permet de montrer le rôle de l’art qui dépasse les frontières. Dès le 6 décembre, il y aura une expo sur les collectionneurs montréalais. Il s’agira de rendre hommage à ces individus. Il est à noter que la première expo au Musée, en 1860, montrait les prêts de nos collectionneurs. À l’automne 2008, nous présenterons les liens entre Andy Warhol et la musique. Pour l’hiver 2009, il y a un projet de rétrospective Van Dongen. Cet artiste n’a pas eu de rétrospective en Amérique du Nord depuis 1971. Pourquoi en faire une ici? Car à Montréal, le galeriste Max Stern, qui fut un grand spécialiste de ce peintre fauve, a défendu son oeuvre. Pour 2010, nous prévoyons monter un événement sur Venise et la musique. L’année suivante, nous traiterons du groupe du Beaver Hall (mouvement des années 20 basé à Montréal). Et pour 2011-2012 il y a, à nouveau, un projet avec la Art Gallery of Ontario sur un sujet historique russe."
Des projets de développement sont également prévus. "En 2010, nous allons ouvrir la nouvelle aile dédiée à l’art canadien. On y trouvera l’art de la Nouvelle-France jusqu’aux Automatistes. Il faut en profiter pour rendre hommage à la famille Bourgie qui donne 6 millions de dollars pour réaliser ce projet". Selon Mme Bondil, la création de ce nouvel espace est une manière de mettre en valeur l’art canadien et québécois et non une façon de le marginaliser dans une annexe. "Cela donnera plus de place pour montrer la création canadienne plus contemporaine dans tout le musée. En 2011, nous allons refaire le pavillon de design avec plus d’art décoratif canadien incorporé dans la totalité du design international. Puis, en 2012, ce sera le centenaire du Pavillon Horstein, et nous procéderons à une redistribution des collections, et l’art canadien plus récent sera encore plus présent".