Paul-Antoine Pichard : Esthétique de l'horreur
Arts visuels

Paul-Antoine Pichard : Esthétique de l’horreur

L’exposition Mines d’ordures, présentée au Musée de la civilisation, est horriblement belle. Horrible parce qu’elle montre des individus vivant dans des dépotoirs. Et belle…

Parce qu’elle montre, dans un parcours d’une simplicité à l’image des habitants de ce monde infernal, ce qu’il peut y avoir de beau dans l’affreuse réalité à laquelle sont confrontés des milliers d’êtres humains sur la planète. Ça peut choquer, ça peut troubler, mais ça ne peut pas ne pas émouvoir.

À l’instar de ses sources d’inspiration Luc Delahaye et Raymond Depardon, deux réputés photographes français, Paul-Antoine Pichard – qui a étudié les arts décoratifs à Paris – a un parti pris: faire du beau avec du laid. En d’autres mots, comme il nous l’a dit alors que nous nous entretenions avec lui, il "essaie de voir du beau où il y a du laid". "Je ne veux pas choquer pour choquer, souligne-t-il. Je photographie ce qui m’interpelle de la manière la plus digne. C’est une quête de beauté." Or, est-ce possible? Peut-on vraiment rendre compte d’une beauté partout, même là où on a commis les crimes les plus infâmes?

C’est du moins le pari qu’ont fait comme lui d’autres photographes. Et on peut affirmer que la plupart du temps, ils ont réalisé des projets artistiques où l’esthétique de l’horreur était magnifiquement exploitée. Qu’on pense seulement aux images d’une beauté bouleversante du documentaire de la cinéaste Jennifer Baichwal – qui a suivi l’artiste Edward Burtynsky -, Manufactured Landscapes.

Mais pour celui qui se considère comme un photographe-auteur, le projet – échelonné sur sept ans et qui nous fait découvrir un monde enfoui dans les décharges publiques de neuf pays: Philippines, Indonésie, Cambodge, Thaïlande, Inde, Égypte, Sénégal, Madagascar et Mexique – n’est pas seulement une démarche artistique particulière, c’est aussi et surtout un cri du coeur.

Et on le sent, ce cri. Il résonne dans nos tympans pendant des heures et des heures après notre visite. On se sent impuissant. On se sent triste. On imagine l’odeur de la nourriture pourrissante, de la putréfaction d’un je-ne-sais-quoi, des émanations de gaz toxiques. On se dit qu’évidemment, il doit y avoir des problèmes de santé liés à cette catastrophe écologique que sont les grands dépotoirs. Et puis on se dit, en observant toutes ces photos accrochées sur les murs des corridors du Musée, que les jeunes bambins qu’on y voit pourraient être nos enfants, que les milliers de déchets sous leurs pieds nus pourraient être les nôtres. Et s’ils l’étaient, que ferions-nous?

Jusqu’au 2 mars 2008
Au Musée de la civilisation
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Edward Burtynsky, Luc Delahaye et Raymond Depardon