Anne Ashton/Jean Jewer : Le temps qu’il fait
Anne Ashton et Jean Jewer: deux pratiques picturales opposées se retrouvant pourtant sous l’influence d’un thème commun.
Heureuse coïncidence que de visiter aujourd’hui l’exposition d’Anne Ashton à la Galerie Karsh-Masson du côté d’Ottawa et celle de Jean Jewer, présentée à l’Espace Odyssée de la Maison de la culture de Gatineau. Ces femmes s’inspirent de manifestations météorologiques extrêmes pour concevoir des tableaux chargés d’émotions complexes à la facture distinctive.
Dans les deux cas, l’esprit est au fugitif et à l’aérien, la question de la température s’y trouvant romancée. À l’heure où l’environnement est une préoccupation constante, leur approche se veut respectueuse à l’endroit des écarts de dame Nature.
Willie (de la série Mojos) d’Anne Ashton, 2007. Huile sur bois, 26 x 33 cm. |
Habitante de la région de Montréal depuis 1985, Ashton traite son sujet d’une façon hyperréaliste. Les colonnes d’eau tourbillonnantes, l’opacité des nuages et les soulèvements de poussière sont détaillés avec une minutie stupéfiante, étouffée par endroits grâce à une technique réussie de sfumato (selon le Larousse: "ambiance vaporeuse qui baigne les formes"). Toutes les pièces de Spin-o-rama sont exécutées à l’huile, cette dernière appliquée en couches minces sur des panneaux de bois au fini extrêmement lisse. Certains morceaux sont aussi bordés de minuscules éléments disparates, dessinés à même les cadres des ouvrages. Racines, planètes et grains de haricot en germination ne sont pas sans rappeler le cycle si déterminant de la vie. La série Mojos, petits tableaux récemment complétés arborant cailloux, ossements et coquillages disposés de manière symbolique, ajoute une touche diversifiée et surréaliste au travail accompli.
Quant à elles, les toiles de Jewer relèvent assurément de l’expressionnisme abstrait. D’immenses canevas sont ensevelis sous d’épaisses étendues d’acrylique et de fusain se fondant les unes dans les autres, laissant transparaître ici et là les parties reposant sous la surface. Celle-ci est d’ailleurs grattée, écorchée et lacérée de la gestuelle de l’artiste, qui prétend imiter les prouesses du système atmosphérique. Ayant passé son enfance dans une ville portuaire de Terre-Neuve, cette résidente d’Ottawa connaît bien les tempéraments fougueux du territoire marin. Elle ranime les souvenirs qu’elle en a à travers des compositions à la sensibilité plus que généreuse. Formes et couleurs s’agencent admirablement d’une toile à l’autre et captivent simplement l’attention du spectateur. Weather constitue un bel exemple, débordant d’une énergie harmonieuse et rythmée.
Une quelconque inquiétude s’éprouve face à l’iconographie menaçante des tempêtes Manitou, Stingaree et Red Pearl d’Ashton. Même impression devant les titres évocateurs de Jewer: Pluie imminente, Une tempête s’en vient, Les nuages se lèvent, et d’autres encore. Les créatrices perçoivent les meurtrissures infligées à la Terre comme un élément fondateur de leur production artistique. Et c’est peut-être assez pour suivre la tendance actuelle et sonner l’alarme climatique.
Jusqu’au 25 novembre
À la Galerie Karsh-Masson/À l’Espace Odyssée
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Olafur Eliasson, www.artinnature.org