Au-delà des clichés : Des idées noires
Au-delà des clichés, présentement au Musée des beaux-arts du Canada, fait fi de l’image pessimiste de l’Afrique véhiculée par la photographie depuis plus de 100 ans.
Depuis une dizaine d’années, grâce à la réorganisation mondiale, l’art africain contemporain bénéficie d’une vitrine sans précédent, qui a engendré "une sphère de recherche fertile que fréquentent désormais conservateurs, critiques, chercheurs et musées".
Cette poussée a été accompagnée par une dimension extracontinentale de l’art africain, c’est-à-dire que des artistes ont pu s’expatrier en Occident et investir ses multiples scènes artistiques. Ainsi, l’idée de contemporanéité entre l’Afrique et le reste du monde s’est construite sur des assises égales, où les artistes ont pu explorer une Afrique affranchie de l’ère postcoloniale et se reforger une subjectivité propre.
Okwui Enwezor, le commissaire de l’exposition, énonce dans le texte du catalogue une description judicieuse du phénomène de l’afropessimisme en photographie, qu’il définit comme l’image conventionnée et commode de l’Afrique pour les Occidentaux depuis le 19e siècle. Il décrit la façon dont les médias occidentaux ont extirpé l’Afrique de son droit à l’autoreprésentation et, conséquemment, comment ils ont réussi à la cloisonner derrière une image pessimiste et manufacturée. "Les Africains deviennent des spectres condamnés à hanter l’imaginaire photographique et la conscience occidentale."
Paradoxalement, cette conception du continent noir a participé à enrichir un idéal où l’on contraint l’Africain dans une image de misère, et d’un autre côté, où le territoire soulève l’admiration. Aujourd’hui encore, on laisse croire que les sujets de la photographie sont authentiques et spéculaires dans le but de servir certaines commodités. Sauf que depuis environ 40 ans, la critique a démontré que, en photographie, il est davantage question de manipulation des sujets regardés et regardants.
Aujourd’hui, les photographes peuvent exprimer leurs imaginaires personnels et collectifs au moyen d’interprétations analytiques de sujets qui leur sont propres. Ceux du continent africain ont recours à ces mêmes stratégies, et ce sont ces tentatives que l’on nous présente au MBAC. À titre d’exemple, Nontsikelelo "Lolo" Veleko (1977), une jeune photographe de Johannesburg, oriente son récent travail vers les graffitis et la mode en tant que regards sur la communication culturelle. Elle trouve dans la mode de la rue un terroir fertile où se pose le regard de celui qui regarde, mais aussi une manifestation flagrante de la jeunesse de Johannesburg, "dont les tenues vestimentaires sophistiquées se moquent des stéréotypes attribués aux jeunes, citadins et Noirs".
Mohamed Camara: Cactus de Noël 2: Quand je prendrai la place du père Noël, tu verras, 2001-2002. Épreuve à développement chromogène. photo : Mohamed Camara. Avec l’autorisation de l’artiste et de la galerie Pierre Brullé, Paris. |
Dans le même sens, les images de Mohamed Camara présentent l’idée de la découverte du Noël enneigé par l’Africain. Ces photographies produisent une impression onirique et ludique des Africains ouverts sur le monde. C’est dans ce registre d’idées que la quasi-totalité des propositions de l’exposition fait commuter le regard appréhendé, c’est-à-dire l’Afrique comme commodité pour l’Occident, avec plusieurs autres sujets actuels qui vont au-delà des clichés.
Jusqu’au 6 janvier
Au Musée des beaux-arts du Canada
Voir calendrier Arts visuels
À voir si vous aimez /
Désir d’être de Farouk Kaspaules (Galerie d’art d’Ottawa), Mer-made Products d’Edith Dakovic (AxeNéo7)