De l’écriture : Des chiffres et des lettres

De l’écriture est une exposition itinérante. Elle comporte des oeuvres de la collection permanente du Musée d’art contemporain de Montréal. Il s’agit d’une première pour le MACM, car plus d’une dizaine de galeries seront visitées, dont celle du Centre culturel de l’Université de Sherbrooke. Lors du vernissage, les instigateurs de cette exposition témoignaient de leur attachement pour cette sélection d’oeuvres. Une visite de la galerie permet de le comprendre.

Les 20 oeuvres qu’on trouve dans l’exposition De l’écriture sont diversifiées et forment un tout cohérent. Que ce soit par la peinture, l’installation, le dessin, la photographie ou la vidéo, les artistes proposent des réflexions politiques, poétiques ou didactiques. Cette exposition thématique se veut rassembleuse. La littérature offre une porte d’entrée pour le spectateur. La plupart des oeuvres comportent un élément qu’on peut lire; il s’agit d’un premier contact. Ainsi, l’expérience de contemplation d’art est moins rébarbative car on en comprend immédiatement un aspect. Cette exposition constitue donc une agréable initiation à l’art contemporain et à ses différents courants.

Les Couleurs de Cézanne dans les mots de Rilke, 36/100 – essai, de l’artiste montréalaise Francine Savard, est le point de départ de cette exposition. Cette oeuvre composée de 36 tableautins forme une échelle de couleurs à partir de citations du poète autrichien Rainer Maria Rilke. Les nuances poétiques des mots côtoient celles des couleurs.

Une oeuvre provocatrice de Jana Sterbak, une figure importante de l’art contemporain, fait également partie de cette exposition. Il s’agit d’un cahier dans lequel on a écrit quelques phrases à l’aide d’un stylo plume. L’encre fut remplacée par du sang humain séropositif. Il y a aussi ces photographies d’un livre ouvert faites par Serge Tousignant. Le volume prend une forme sensuelle en évoquant des rondeurs féminines par son ombrage.

Pour ma part, l’oeuvre qui m’a le plus intéressé est celle de Roman Opalka. Cet artiste français a entrepris d’énumérer les nombres entiers de 0 à l’infini sur des toiles. Sur la toute première, il a écrit les nombres en blanc sur fond noir. À chaque nouvelle toile, il a ajouté un petit pourcentage de blanc à la peinture noire de fond. Ainsi, au fil du temps, l’énumération s’est faite sur un fond gris de plus en plus blanc. De plus, chaque fois que l’artiste écrivait un nombre, il le disait à haute voix car tout le processus était enregistré de manière audio. Cette quête de l’impossible souligne la pérennité que nécessite parfois le geste artistique.

Un inconvénient des expositions thématiques est que certaines oeuvres perdent de leur impact car elles ne sont pas en contact avec d’autres créations de leur artiste. C’est le cas de quelques oeuvres de cette exposition. Toutefois, il ne faut pas bouder son plaisir car De l’écriture constitue un grand événement pour les arts visuels. Serge Lemoyne, un artiste des Cantons-de-l’Est qui nous quittait en 1998, écrivait ceci: "L’art véritable n’est ni bourgeois, ni prolétarien, mais découverte perpétuelle […]. C’est par la beauté que l’on s’achemine à la liberté." Il souhaitait une démocratisation de l’art contemporain et cette exposition représente un pas dans la bonne direction.

Jusqu’au 15 décembre
À la Galerie d’art du Centre culturel
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