Michel de Broin : Vol de mort
Arts visuels

Michel de Broin : Vol de mort

Michel de Broin, récipiendaire de l’important prix Sobey en 2007, a ces jours-ci une expo à la Galerie de l’UQÀM. Peur et paranoïa au rendez-vous.

Il fut une époque, pas si lointaine, où l’artiste Paul-Émile Borduas déclarait la fin du "règne de la peur multiforme". Enfin, nous allions être débarrassés de ce sentiment oppressant d’être épiés, toujours coupables de quelque chose ou potentiellement en danger…

Borduas serait certainement médusé de voir que 60 ans plus tard, la peur protéiforme est très présente, monstre à plusieurs têtes à nouveau ressuscité. Elle est partout cette peur, souvent irrationnelle, alimentée par les médias en quête de sensationnalisme et de cotes d’écoute: peur des autres, parfois des immigrants, peur des criminels et de la violence (qui est pourtant en nette baisse dans nos sociétés), peur des maladies, peur du futur qui n’augure rien de bien, peur des terroristes… Nous sommes tous en danger!

L’artiste multidisciplinaire Michel de Broin, dans son expo intitulée Machinations, traite en particulier de cette peur des attentats qu’il décline à travers des photos et surtout une immense sculpture… Ce qui, au premier regard, ressemble à un oeuf géant se révèle en fait une évocation d’un "fuselage de moteur d’avion Rolls-Royce RB211", comme ceux de l’avion qui a percuté le Pentagone le 11 septembre 2001, faisant 189 morts. Toute l’expo semble marquée par cette forme, des images la montrent même hantant l’espace du Musée des beaux-arts du Québec. Dans l’après-11 septembre, la menace s’est donc partout immiscée? De Broin dit cela et même plus.

Un texte placé sur un mur vient élargir et complexifier la problématique. Vous pourrez y lire les détails de "l’opération Northwoods appuyée par l’état-major de l’Armée américaine", qui en "1962 visait à justifier une intervention militaire pour contrer la menace communiste". Vous y apprendrez comment l’armée "proposait l’utilisation d’avions commerciaux pour perpétrer de faux attentats terroristes".

Cette expo souligne donc, avec raison, comment la peur semble être comme un fantôme dont l’ombre flotte sur notre monde, même dans les musées. Voilà qui est très juste, mais malheureusement cette expo laisse aussi planer un doute sur les événements du 11 septembre. Ce texte sur l’opération Northwoods pourra même sembler alimenter une certaine paranoïa et le délire d’"auteurs" qui ont imaginé des théories, non prouvées, quant à une implication gouvernementale états-unienne dans les événements du 11 septembre… Cela n’était pas vraiment nécessaire pour faire de cette expo une grande réussite.

Jusqu’au 24 novembre
À la Galerie de l’UQÀM
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