Francis Arguin : La forme ultime
Francis Arguin, qui avait cartonné pendant le festival international d’art performatif Art nomade, propose une installation qui récupère plusieurs signes de son vocabulaire artistique.
Pour un artiste dont c’est la première exposition dans un environnement professionnel, Francis Arguin se débrouille plutôt bien avec Les Derniers Modèles, proposée à Espace Virtuel. Trois modèles immenses, comme des bolides en rade pour la durée de l’exposition, sont disposés à la manière de voitures de démonstration dans un centre de foires. Leur châssis, cartonné et fragile, est décoré de lignes presque rutilantes, obligeant un changement constant de perspective selon l’endroit où l’on se trouve dans la salle. Cette asymétrie du détail fait ressortir l’impression d’ébauche sans pour autant sombrer dans la facilité du brouillon. On se retrouve peut-être plutôt en face des maquettes donnant forme à des concepts qui rappellent, par leur forme, leur taille et leur installation, des véhicules, mais qui pourraient tout aussi bien préfigurer des objets inconnus, toujours en quête d’une utilité, ou des édifices étranges disséminés dans un espace pour le moins dangereux, structurés sur les cendres et les tisons secs d’incendies passés.
La dispersion de flammes artificielles sur le sol ainsi que sur l’une des structures appelle cette dernière lecture (plus architecturale) de l’installation. Qu’il s’agisse de maisons-roulottes ou de constructions sur pilotis, ces structures stabiles semblent avoir été créées pour la ruine, en prévision d’une attaque, édifiées comme des bunkers prêts à essuyer des dizaines de missiles.
À l’opposé du développement durable se situe le théorème qui permet d’établir le rythme de la consommation. Déjà, à l’étape conceptuelle, alors qu’il n’est que plan ou maquette, l’objet imaginé est enserré dans l’étau d’une durée de vie prédéterminée. C’est peut-être surtout cette conception de l’objet qui prend forme dans la modélisation d’Arguin.
Il est possible que nous soyons face à des casernes imprenables, maquettes de citadelles contemporaines attendant d’être construites. Ou peut-être s’agit-il au fond de chars d’assaut, massifs et imposants, garés au garde-à-vous dans la salle d’exposition. Ou alors il ne s’agit de rien d’autre que de la timide idée de différents objets, tout à la fois inutiles et multi-utilitaires. Une idée encore trop superficielle pour avoir réussi à fixer son sens dans le réel mais à laquelle l’artiste aurait tout de même voulu donner forme.
Le travail installatif d’Arguin va jusqu’à susciter de multiples interrogations quant à la possibilité d’une utopie formelle. Qu’adviendrait-il si tous les designers de ce monde s’entendaient sur LA forme ultime, parfaite et inviolable, dont les variations permettraient toutes les conceptions? Utopique, peut-être, mais inquiétant. Car c’est ce vers quoi semblent se diriger les constructeurs automobiles dans leur quête du véhicule parfait, ainsi que plusieurs entrepreneurs en construction qui aménagent des quartiers complets selon une uniformité avilissante…
Jusqu’au 14 décembre
À Espace Virtuel
Voir calendrier Arts visuels
À voir si vous aimez
Le collectif BGL
Le duo Cooke-Sasseville