Le Regard lent : L’esprit au ralenti
Les oeuvres de l’exposition Le Regard lent commandent la contemplation. Présentées à la Gallery 44 de Toronto et maintenant au centre VU, elles sont le fruit d’une précieuse collaboration.
La photographie a fait du chemin depuis la chambre noire de Nicéphore Niépce (1765-1833). Qu’on pense seulement à la première reproduction "tramée" en 1880, dans le Daily Telegraph de New York, ou à la révolution numérique: peu d’inventions ont eu autant d’impact dans nos vies au cours des derniers siècles.
Comme l’écrivait Léonard de Vinci, "tout corps envoie son image dans l’air environnant". Le rôle du photographe consiste à retenir la vibration lumineuse de ces corps que sont les paysages, les objets ou les hommes. Est-ce que ce rôle a été accompli avec justesse par les artistes André Barrette, Cecilia Berkovic, Ève Cadieux, Jennifer Cherniack, Paul Lacroix et TEK?
Force est d’admettre que oui. Mais leur démarche ne s’arrête pas là. Comme vous le verrez, l’exposition dépasse le cadre de la photographie traditionnelle, car elle s’inscrit dans une recherche des moyens de réfréner et de freiner notre vision… Explications.
Quatre vidéos d’une seconde, diffusées en boucle, nous attendent dès nos premiers pas à l’intérieur du centre. Elles nous font prendre conscience de l’extrême rapidité avec laquelle on mange, on divorce, on fait notre épicerie (Cherniack), dans le but évident de nous faire ralentir et de nous amener à prendre le temps de bien faire les choses. En face de ce projet, on peut voir Public Displays of Affection, l’oeuvre de Berkovic. À travers cette série de photos, l’artiste pose un regard ironique sur la conception populaire de la passion amoureuse qu’on trouve, par exemple, dans les romans Harlequin. Résultat: on épie avec plaisir les ratures du marqueur qui ont pour pour conséquence de mettre l’accent sur le mot Love, manifestement employé de façon abusive. Puis on continue. On avance un peu plus, jusqu’au Cabinet d’un imposteur sincère de Cadieux, qui séduit par ses choix de mots et la manière particulière qu’a l’artiste de les placer en harmonie avec les images.
Mais le clou de la visite, l’expression la plus réussie du défi lancé par les centres d’artistes de Toronto et de Québec, ce sont les photos de Lacroix et de TEK. D’un côté de la salle consacrée aux deux artistes, les productions de TEK représentent des amoncellements de papiers journaux et autres détritus de carton de la vie quotidienne, scrupuleusement réunis, alignés. Ses photos sont là pour nous faire rester sur place, en état de contemplation. Sincèrement, elles sont d’une beauté ineffable, autant du point de vue de la composition que de la lumière. Et que dire de Lacroix, mis à part le fait qu’une fois de plus, il est arrivé à nous faire oublier la laideur du monde en nous plaçant devant des objets d’art d’une pureté et d’une magnificence éternelles. À voir absolument.
Jusqu’au 16 décembre
Au centre VU
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La photographie contemporaine, l’art vidéo et l’esprit critique