Harun Farocki : L’image résistante
Le cinéaste Harun Farocki, qui depuis plus de 40 ans sait allier art et politique, présente ses oeuvres à Montréal. Un art intelligent. Une rareté.
Il ne vous reste que jusqu’à samedi pour aller voir l’oeuvre d’un important cinéaste et artiste, connu internationalement, mais dont malheureusement les réalisations ont été trop peu présentées au Canada (sa dernière rétrospective au pays remonte à 1991). Pourtant, depuis 1966, Harun Farocki a réalisé de nombreux films, essais filmiques, vidéos et installations vidéo remarquablement engagés. Citons deux exemples.
En 1969, durant la guerre du Viêtnam, Farocki réalisait Feu inextinguible, dénonçant une entreprise états-unienne (Dow Chemical) qui produisait du napalm. En 1998, il élabore Images du monde et inscriptions de la guerre, où il réfléchit sur les raisons qui ont pu faire que les photos aériennes d’Auschwitz, que l’Armée américaine a prises en 1944, n’ont pas été remarquées malgré qu’elles montrent clairement la fumée sortant des chambres à gaz…
À la Galerie Leonard et Bina Ellen, vous pourrez voir six installations de cet artiste présentées par la commissaire Michèle Thériault. Parmi celles-ci, Sorties d’usines en onze décennies (2006), où il met littéralement en parallèle, sur 11 moniteurs placés au sol, des scènes de films montrant, sujet assez rare au cinéma, des ouvriers sortant de leur usine, la fuyant presque. Cela va de La Sortie de l’usine Lumière à Lyon (1899) à un extrait de Dancer in The Dark (2000), en passant par Les Temps modernes (1936) de Chaplin. Un panorama de la classe ouvrière, de ses luttes, de son aliénation et de sa quasi-disparition en Occident. Dans Contre-champ, il parle entre autres de notre obsession contemporaine pour la sécurité à travers des caméras de surveillance. Dans une autre oeuvre, intitulée Section, Farocki parle de son travail, du processus d’encodage et de décodage du processus de montage mais aussi dans sa pratique en général.
Voilà une belle preuve que le cinéma, la vidéo et l’art engagés existent encore, et ce, d’une manière intelligente. La postmodernité peut donc être autre chose qu’un simple divertissement ou un simulacre des idéaux dadaïstes ou surréalistes. www.farocki-film.de
Jusqu’au 1er décembre
À la Galerie Leonard et Bina Ellen
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