Les Pieds chaussés d’émeraudes et de lapis-lazuli : Quand le passé refait surface
Avec Les Pieds chaussés d’émeraudes et de lapis-lazuli, le peintre Yves Poulin poursuit sa démarche bien à lui. Tour d’horizon d’une exposition inspirée, aride, mais ô combien nécessaire.
Dès les premiers pas à l’intérieur de la galerie Linda Verge, on cherche des yeux les toiles de Poulin, un autodidacte prometteur. On s’avance. On épie les différentes salles à la recherche des portraits annoncés par le carton d’invitation, jusqu’à ce qu’on suppute qu’elles doivent être au rez-de-chaussée, l’étage étant occupé par les innombrables oeuvres d’art de la "collection de Verge" appuyées aux murs.
On fait donc demi-tour. Puis voilà qu’apparaît la principale pièce, juste avant de descendre les escaliers, Holbein_1, une représentation de Jeanne Seymour d’après le Portrait de Jeanne Seymour de Hans Holbein le Jeune. On s’arrête promptement. On scrute les dégoulinades, et l’on comprend que l’artiste a voulu réaliser, picturalement on s’entend, une réinterprétation de quelques moments forts de l’histoire de l’art. C’est comme si, cinq siècles après Albrecht Dürer et les balbutiements de l’autoportrait, Poulin essayait de se projeter dans ses tableaux et de donner une contemporanéité à ces personnages ancestraux qu’il reproduit. En d’autres mots, on sent une présence actuelle dans le corpus présenté, sans vraiment savoir le but de tout ça.
C’est pourquoi trop de questions surgissent dans notre esprit à la vue de cette oeuvre et peu de réponses apparaissent dans notre entendement. Il faut par conséquent poursuivre notre visite pour trouver une explication. Et elle apparaît tranquillement, cette explication, car même si l’herméneutique a ses défauts et ses limites, elle peut aussi servir quand vient le temps d’analyser une série de peintures. On compare les portraits entre eux. On recherche le sens à travers les productions d’un peintre que d’aucuns qualifieront d’expressionniste, fortement influencé par l’art formaliste. Et, comme par magie, on s’abandonne finalement aux travaux de Poulin. On oublie nos questionnements. On ne recherche plus, parce qu’on pense avoir trouvé. Trouvé ce qu’on tentait de décrypter.
On a malmené ce genre, le portrait. Il a perdu du terrain face à l’art abstrait. On ne le pratique plus, et la mission que s’est donnée Poulin, nous semble-t-il, c’est de lui redonner ses lettres de noblesse, tout en s’immisçant dedans. Le reste de l’exposition n’est que le reflet de ce que nous avons vu plus en haut, juste avant la descente de l’escalier: des portraits composés d’après ceux de célèbres peintres comme Velazquez, Delacroix, Christus, Titien, Gauguin et Picasso.
Alors, ne serait-ce que pour s’initier à l’histoire de l’art autrement que par des manuels scolaires, un passage s’impose à cette galerie mal connue du grand public de Québec. Comme nous le disions, une exposition nécessaire, à la condition qu’on prenne le temps de s’y arrêter et de la contempler.
Jusqu’au 20 décembre
À la galerie Linda Verge
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