Pascal Grandmaison : Qui s’y frotte, s’y pique
L’exposition photographique de Pascal Grandmaison actuellement présentée au Musée des beaux-arts du Canada témoigne du travail d’un des artistes les plus novateurs de sa génération.
Depuis un peu plus de 10 ans, l’artiste montréalais Pascal Grandmaison ne cesse de nous surprendre. Grâce à ses oeuvres photographiques et vidéographiques marquées par leur économie de l’espace pictural, l’artiste a pu se frayer une réputation estimable à l’étranger comme ici.
Un point saillant dans son travail concerne le détachement qu’ont les sujets photographiés. Ces jeunes gens ne laissent présager aucune sorte d’intérêt envers le spectateur, ils restent muets et anonymes. Leur présence semble totalement accessoire à la stratégie formelle. On peine à décrire les images de Grandmaison, au risque d’omettre le plus important, leur côté sapide; tout ce que l’on ne peut voir mais demeurant "prégnant". Pour ainsi dire, opter pour une description superficielle des images ne nous amènerait aucun éclaircissement utile, sinon que de souligner l’urbanité des sujets. Ses photographies sont de très grands formats et montrent habituellement des plans rapprochés où les sujets sont posés au milieu d’espaces visiblement aseptisés. Ces images se démarquent nettement par leur ton équivoque oscillant entre "la distance, la froideur et la poésie".
On remarquera facilement qu’un des aspects dominants des images de Grandmaison est défini par l’aire accordée au vide par rapport aux objets. En effet, dans ses images, les sujets se retrouvent isolés devant un arrière-plan tout à fait vide. Au premier regard, ces écrans blancs, dans la plupart des oeuvres, paraissent ouverts, a fortiori des indices d’une profondeur où le "regardeur" pourrait inconsciemment laisser son regard partir hors des limites du cadre dans le hors-champ. Toutefois, l’écran se dévoile rapidement comme un pan efficace et même abrasif où le regard s’use. Bref, ces arrière-plans se présentent en imposture et constituent en réalité une sorte de matérialité pour le vide.
Pascal Grandmaison, Manner, 2003. Épreuve numérique, impression à jet d’encre sur base de polypropylène, 184,6 x 152,4 cm. photo: Pascal Grandmaison, avec l’aimable permission du MAC |
Dans les images de la série Manner, les peaux de tambour marquées par l’usure démontrent nettement cette ambiguïté où leur qualité ondulatoire et aérienne est sapée dans la densité exagérée de l’arrière-plan. Grâce aux proportions imposantes de celui-ci, les pans légèrement souillés semblent réduire à néant toute forme d’espace interstitiel pouvant le détacher des peaux. On y retrouve une composition abstraite rebutant toute forme de narration.
Ce génie s’accentue dans la série Verre: chacune des images représente une jeune personne se tenant derrière une plaque de verre, "dont un seul des quatre bords est visible". Là, les dispositifs de représentation du pan de la photographie sont carrément mis en abîme grâce à la plaque de verre.
On peut conclure en affirmant que le spectateur ne pourra jamais anticiper la tromperie, il finira toujours par se cogner à la matière photographique. Les images et les vidéos de Pascal Grandmaison s’acquittent avec brio de révéler ces dispositifs essentiels à la représentation.
Jusqu’au 17 février 2008
Au Musée des beaux-arts du Canada
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les photographies de Nicolas Baier, Corine Lemieux et Isabelle Hayeur, la musique de Jérôme Minière