Sadko Hadzihasanovic : Terrain miné
Il ne reste que deux jours pour voir l’exposition de Sadko Hadzihasanovic, Greatist Hitz, avant que le Centre Sagamie ne prenne une pause pour le temps des Fêtes. Avant ou après, il faudra y être allé.
Il y a actuellement, entre les murs de Sagamie, des oeuvres qui fascinent à la fois par leur richesse et leur force d’impact. Le monde y est dans tous ses états. Le visiteur le sera aussi, soumis à cette déflagration visuelle percutante.
Que ce soit en peinture ou en impression numérique, Sadko Hadzihasanovic travaille à la mise en rapport parfois choquante de réalités difficiles à rapprocher. C’est cette rencontre inédite qui lie le mieux toutes les oeuvres présentées.
D’abord, une série de 15 pochettes de disques vinyle, qui a sans doute contribué à fixer l’intitulé de l’exposition (Greatist Hitz), dont chaque élément a été travesti par l’artiste à l’aide de matériaux disparates, allant de la peinture aux emballages de pilules encore intacts. Sadko se réapproprie ainsi des signes reconnus de la culture populaire qu’il façonne pour les amener à un sens totalement différent, qui demeure parfois obscur.
Cette tendance à piger dans les symboles de la vie quotidienne aura un écho dans les autres oeuvres de l’exposition, où se sont immiscés des trademarks de différents produits de consommation – dont Pepsi, McDonald, Rogers, Dentyne, Calvin Klein, Danone -, des personnages de dessins animés – Bob l’éponge ne semble pas mécontent d’y trouver sa place -, même des cartes à jouer et des images de catalogues.
Cette étrange mise en rapport pousse bien sûr à réfléchir à la culture de l’objet, à la relation que nous entretenons avec lui. Elle est toutefois aussi à penser en fonction d’un désir de démocratisation de l’art, les choix de l’artiste prouvant son déni de la noblesse qu’on accorde généralement à certains matériaux.
Il s’agit aussi d’un rapprochement entre des réalités essentiellement distantes. Cette convergence inédite, on la trouve dans le jeu d’échelle qui implique parfois les personnages. Il ne s’agit pas d’une simple superposition d’images: il y a une véritable cohabitation entre elles. Ainsi, des personnages lilliputiens interagissent avec celui qui semble être, de leur point de vue et à leur rencontre, un colosse.
Cette perpétuelle confrontation entre les éléments qui se retrouvent dans les oeuvres de Sadko n’est sans doute pas étrangère au choc des cultures vécu par l’artiste lors de son immigration au Canada, en 1993. Concentrée dans son parcours de vie, c’est toute la complexité du douloureux tressage entre la culture de l’Europe de l’Est et celle de l’Occident qui se trouve impliquée.
Cette dimension identitaire fait écho à la violence représentée dans certaines de ses oeuvres. Dans son univers, les ruines, les flammes et les armes partagent leur espace avec les jeux d’enfants, les scènes de genre et les portraits de famille. Comme si la mémoire avait sauté sur une mine. Et qu’il fallait tout ramasser. Une oeuvre forte.
Jusqu’au 14 décembre
Du 14 au 31 janvier
À Sagamie
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Émili Dufour
Bruno Gareau