Étienne Gélinas : Sous la surface…
Étienne Gélinas invite le spectateur à la dépouille systématique du répertoire pictural qu’il conçoit.
L’éclairage ténébreux de la Promenade du roi du Casino, malgré le charme tapageur de l’endroit, rehausse le caractère énigmatique de la série de tableaux concoctés par le peintre Étienne Gélinas. Le bachelier en arts et design compte déjà plusieurs vernissages à son actif et prépare diligemment ceux qui viennent s’y greffer, cette année, à la galerie Montcalm et à l’espace Odyssée.
Mais dans la présente exposition, techniques mixtes sur bois de formats variés s’offrent, pour ainsi dire, telle une suite de sites archéologiques à fouiller et à découvrir jusqu’au plus profond de leur surface.
La facture paraît d’abord très expressive, émotive, laissant poindre ici et là des taches spontanées et disparates, de même que des plages colorées et translucides se fondant aisément l’une dans l’autre. Pourtant, là s’arrête l’exercice intuitif. Même les cercles gravés de la main de l’artiste dans la pâte fraîche (modeling paste incolore servant d’apprêt au canevas et permettant le bas-relief) tendent vers une perfection absolue. Les réalisations sont savamment élaborées, regorgeant d’une complexité véritable où s’accumulent plusieurs composantes de nature rationnelle.
Le regardeur est ainsi porté à disséquer mentalement l’assemblage des couches exhibées, laissant deviner, chez Gélinas, une méthode laborieuse hautement planifiée: "Les deux étapes initiales sont les plus importantes: premièrement, le dessin de base, réalisé à la règle et au compas, sur lequel est ensuite étendue la pâte fraîche. La gravure des dessins vient par après, avant l’application de la couleur."
Le geste qui suit, soit l’apposition d’une vingtaine de couches de vernis, confère au plan de certains ouvrages (Composition 011 et Composition 014) une patine brillante qui renforce l’idée de leur préservation, voire leur inaccessibilité. Cette impression est ressentie davantage, par exemple, à la saisie de nuages laiteux semblant flotter au-dessus de la toile. Leur consistance lourde se bute étrangement à l’aspect évanescent du fond, mais la délimitation des espaces intérieur et extérieur est nette et frappante. Les marques laiteuses et volatiles sont si facilement à la portée de l’observateur qu’il pourrait pratiquement s’en emparer. Reste toutefois qu’il devient alors impossible de déchiffrer clairement le contenu à travers toutes ces superpositions, mais d’autres toiles semblent fournir l’indice recherché…
Et effectivement, nul ne peut échapper aux références anatomiques ou mécaniques de Composition 210 et d’autres petits essais exploratoires. Ces collages d’illustrations techniques et de devis architecturaux évoquent d’emblée le concept de la structure, ces images révélant des charpentes corporelles ou encore le squelette fascinant d’une machine.
Somme toute, le créateur ne veut pas prétendre à la transmission d’un message précis. Il établit cependant un lien très fort avec le domaine de la connaissance universelle, celle-ci accessible et insondable tout à la fois, enfouie sous l’épaisseur tangible de maintes et maintes strates.
Jusqu’au 6 mars
À la Promenade du roi du Casino du Lac-Leamy
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À voir si vous aimez / Léonard de Vinci, Harold Feist