Jérôme Bourque : L'oeuvre du rêve
Arts visuels

Jérôme Bourque : L’oeuvre du rêve

Le Royaume de Jérôme Bourque est une exposition qui réussit à être à la fois amusante et troublante.

Quand on ferme les yeux, l’étourderie de l’endormissement laisse présager les folies les plus spontanées, les associations les plus étranges. Quand on les ouvre sur les oeuvres de Jérôme Bourque, la sensation est semblable.

L’étrangeté de ses images rappelle le travail du rêve alors que les associations même les plus improbables ne surprennent plus. D’une photo à l’autre sont mises en scène des constructions de l’esprit originales et invraisemblables, jetant un éclairage nouveau sur un réel que l’art arrive à travestir.

Dans tous les cas, le résultat fait écho à une esthétique proprement publicitaire – punch, éclairages soignés, couleurs plus vraies que nature, aspect léché et séduisant de l’image – pour documenter des fictions étranges, souvent amusantes, autrement déstabilisantes. Car elles contiennent toutes différents éléments cherchant à provoquer le choc du fictif. L’ordre et le réel sont alors réinventés, l’artiste s’arrogeant ainsi un pouvoir véritablement créateur.

Que ses photos représentent un champ, un sentier de neige, une falaise ou un salon, c’est toujours le lieu du rêve que semble avoir tenté de recréer l’artiste. Des personnages sans inquiétude, absorbés, comme sous hypnose, subsistent plus qu’ils agissent. Les univers ainsi créés par le truchement du réel et du fantasme environnent les modèles dans des situations qui demeurent chaque fois sans conséquence. De cette façon, un dormeur n’a pas à craindre le froid même s’il neige sur lui. Et un enfant coiffé d’un chapeau de cow-boy, malgré l’imminence de l’impact d’un ballot de foin sur le point de lui tomber sur la tête, ne sourcille pas.

C’est la portée même de l’art qui semble être mise en question par la démarche de Bourque. Car si le rêve permet d’exaucer les fantasmes les plus sordides en toute impunité, de la même façon l’art demeure très souvent sans véritable conséquence. Dans les faits, l’art doit-il servir une cause, ou se draper dans le drapeau du vain et de l’inutile?

Malgré cela – peut-être POUR cela -, certaines photographies de Bourque donnent parfois des pistes permettant une lecture plus engagée, sans toutefois nécessairement dégager clairement le propos de l’artiste. La mise en abyme de différents organes médiatiques – télévision, journal, panneau publicitaire – laisse entrevoir une conscience exacerbée de l’intérêt accordé aux médias. L’image de l’homme qui semble s’être endormi en regardant un panneau publicitaire – qui dans les faits, ne vend RIEN – est en cela particulièrement efficace.

Une exposition qui plaira sans aucun doute à tous les publics.

Jusqu’au 29 février
À Espace Virtuel
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