L’art cubain : Libre-échange?
L’art cubain est célébré au Musée des beaux-arts: ¡Cuba! Art et histoire de 1868 à nos jours, c’est 400 oeuvres retraçant l’aventure artistique et sociopolitique de ce pays depuis 150 ans.
La célèbre revue états-unienne Artforum parle de cette rétrospective sur l’art cubain dans son numéro de janvier dédié aux 50 expositions à voir à travers le monde (rien de moins!). Il faut dire que l’art de ce pays est occulté (entre autres à cause de la guerre froide) depuis bien des années. Il n’y avait pas eu un événement de cette envergure depuis 1944. Et encore… Le Musée d’art moderne de New York avait alors monté une expo dédiée seulement aux peintres cubains modernes. Cette fois-ci, l’art cubain est aussi présent par des installations, des affiches, des photos et des sculptures produites depuis 1868. Il y a 64 ans, le célèbre peintre Wifredo Lam avait refusé de participer à l’événement du MOMA, ne voulant pas être étiqueté comme peintre régional. Cette fois-ci, à Montréal au MBA, Lam est présent (malgré lui?) avec une salle entière!
En suivant l’exemple de Lam, certains pourront critiquer (surtout à l’heure de la mondialisation des esthétiques) cette manière qui consiste à faire le portrait d’une nation et de son art (serait-ce, paradoxalement, une façon de le marginaliser?). Mais le fait que Cuba ait été isolé par le blocus états-unien tout en refusant de tomber dans l’esthétique du réalisme soviétique (que Castro n’aimait pas) justifie ce corpus. Voici une expo qui brise un silence inacceptable. Mais elle aurait dû plus clairement en rompre un autre.
Certes, le musée évoque la situation actuelle du régime castriste. Le tableau de Raúl Martínez Nous sommes tous des enfants de la patrie (avec ses portraits d’hommes) parle, par exemple, de la répression de l’homosexualité à Cuba. Un panneau explicatif traite aussi, rapidement, de ce sujet. Néanmoins, j’aurais aimé plus d’information sur la liberté de création et d’expression de nos jours en ce pays où (faut-il le rappeler?) des journalistes et des intellectuels sont encore emprisonnés. La situation est-elle si différente pour les artistes? Une table ronde pourrait-elle mieux nous informer? J’ose réclamer un tel événement. Dans les salles sur l’art contemporain (passionnantes), vous pourrez déjà remarquer comment les artistes cubains actuels savent utiliser une certaine ambiguïté de contenu, l’ironie, la parodie pour critiquer la situation politique dans leur pays. Elles montrent (si on avait besoin d’être convaincu) la vitalité certaine de l’art en ce pays.
Soyez prévenus, néanmoins, que cette expo démarre lentement, les premières salles sont moyennement emballantes (hormis quelques exceptions, comme les tableaux de Landaluze). Ces salles ont un intérêt plus historique qu’artistique. Mais le MBA joue franc jeu. Le titre annonce clairement qu’il s’agit d’une expo sur l’art et l’histoire de ce pays. De ce point de vue, il faut souligner la pertinence de la plupart des divers panneaux explicatifs (il y en a beaucoup, mais c’était nécessaire), qui retracent bien la guerre d’indépendance de Cuba, la domination états-unienne… Du point de vue des arts, cela démarre davantage à la fin de la troisième salle (avec Marcelo Pogolotti) et dans la quatrième (avec les photos de Constantino Arias). La suite réserve de bonnes surprises.
Jusqu’au 8 juin
Au Musée des beaux-arts
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