Bettina Hoffmann : In absentia
Arts visuels

Bettina Hoffmann : In absentia

Avec Décalages, Bettina Hoffmann effectue un retour à Québec marqué par un traitement de l’image et une recherche artistique qui lui sont propres.

Si vous ne connaissez pas le travail de Bettina Hoffmann, il faut que vous vous rendiez dans la grande galerie de l’OEil de poisson, centre d’exposition spécialisé dans la diffusion de l’art actuel, et/ou sur son site Internet (www.bettinahoffmann.net). Vous découvrirez assurément une artiste dont on peut dire qu’elle possède une étonnante maîtrise esthétique et technique de l’image fixe et en mouvement, surtout quand elle décide d’unir les deux. Explications.

Imaginez une peinture figurative, très réaliste, ultra réaliste, où sont représentés quelques personnages. Imaginez ensuite la scène en plusieurs plans fixes: un corps couché, un homme assis, une femme debout, un homme alité à côté d’un autre accroupi. Maintenant, fixez les images dans votre esprit. Puis, promenez votre regard sur une image à la fois, de la main à l’épaule, du cou au torse, du visage aux cheveux, des genoux de l’homme accroupi à la tête de celui alité. Passez d’une image à l’autre, et refaites le même exercice sur chaque image fixée dans votre esprit, lentement, extrêmement lentement, comme si le temps n’était pas tout à fait arrêté, au contraire des "comédiens" photographiés qui, eux, sont immobilisés par l’artiste qui promène son regard – c’est une métaphore – sur les corps inertes. Et ainsi vous vous mouvrez, comme un voyeur, jusque dans les plus intimes sentiments manifestement ressentis par les protagonistes de la mise en scène de Bettina Hoffmann.

De la sorte, son oeuvre apparaîtra dans votre esprit sans que vous ne l’ayez vue et vous constaterez cette limpidité, cette simplicité et cette efficacité qui caractérisent les productions d’Hoffmann. Et en y allant, vous verrez que, conformément à sa pratique artistique passée, cette artiste qui vit et travaille à Montréal depuis une vingtaine d’années ne fait pas que filmer des photographies de moments a priori banals de la vie quotidienne – insipides diront certains, dépourvus d’intérêt diront d’autres. Elle s’applique aussi à nous les faire vivre pendant un laps de temps assez long afin de déclencher en nous de l’empathie à l’égard de ces émotions apparemment banales vécues par les individus de ses mises en scène. Et l’on suppose qu’en tentant de faire une critique acerbe de nos rapports humains ambigus par le truchement de ces projections, elle a voulu donner des pistes aux spectateurs pour qu’ils comprennent mieux la nature humaine.

Cependant, elle n’arrive pas ici à se faire comprendre aussi bien que dans ses précédentes oeuvres. Même si elle offre une création exécutée avec une précision visuelle quasi parfaite et un traitement de l’image exemplaire, il manque ce je-ne-sais-quoi dans son discours, un peu confus dans cette exposition, à l’opposé de son travail photographique antérieur qui est très clair et ne demande le secours d’aucune explication pour être compris. Or, de la même façon que ce n’est pas parce qu’on ne comprend pas une langue qu’on ne peut pas en apprécier la beauté, il nous est quand même possible de contempler l’exploration d’Hoffmann à travers son oeuvre vidéo et de s’abreuver à sa sublimité en l’absence, justement, d’explications.

Jusqu’au 16 mars
À l’OEil de poisson
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À voir si vous aimez /
L’art vidéo, l’expressionnisme allemand et la photographie.