Philippe Hamelin : Devant l’écran
Un homme ne se sera sans doute jamais montré aussi fragile que Philippe Hamelin. Critique d’une mise à nu.
Dès le départ, Philippe Hamelin est clair. L’exposition Émoticons est le résultat d’une hypothèse infirmée. Lorsqu’il a entamé sa résidence au Lobe, c’était motivé par quantité d’a priori qui ont nourri les premières investigations de sa démarche. Il espérait alors explorer ce nouvel espace d’interaction que représente pour lui l’Internet.
Son plan était simple: investir les lieux d’échanges et les sites de rencontres gais pour y effectuer des performances artistiques. Or, les préjugés qu’il entretenait ont dû être déboulonnés l’un après l’autre. Loin de la superficialité charnelle qu’il s’attendait à y découvrir, il a levé le voile sur une sensibilité qui l’a pour le moins déstabilisé. Plusieurs amorces se sont traduites en relations véritables, voire en rencontres.
Par contre, son travail permet malgré tout à une majorité de visiteurs de pénétrer dans cet univers étrange pour la première fois, découvrant, avec curiosité ou dédain, un monde qui leur est probablement inconnu. C’est peut-être justement cette méconnaissance qui rendra obscure la présence de plusieurs éléments dans la salle d’exposition – casque de moto, perruque, bottes, robe de chambre – et leur cohabitation avec les images. Sans doute ont-ils été conservés comme les traces de fantasmes, peut-être exploités lors des performances, mais leur relation avec les projections demeure anémique pour qui n’a pas la clé de leur signification.
Le fait de présenter ses différentes images en projection sur fond noir fait toutefois un écho particulièrement puissant à la façon dont Hamelin a cherché à faire la lumière sur le sombre univers de la porno gaie. Or, plutôt que de révéler les mécanismes artificiels de ces sites de rencontres, le dévoilement l’aura lui-même mis en scène en situation de vulnérabilité extrême. Comme si ses différentes performances devant l’écran lui avaient reflété ses propres faiblesses.
La projection en triptyque, montrant son visage placide, puis profondément attristé, mis en rapport avec des scènes de masturbation et d’exhibition anonymes, est particulièrement efficace pour démontrer le contraste qui existe entre les différents utilisateurs de ces sites, entre leurs désirs et leurs attentes. Chacun vivant pathétiquement son amour partagé sur le Web comme un soliloque silencieux et sans feedback.
Jusqu’au 8 mars
Au Lobe
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Mark Morrisroe, Nan Goldin