Geoffrey Farmer/Arnaud Maggs : Relectures
Le Vancouvérois Geoffrey Farmer et le Torontois Arnaud Maggs sont à l’honneur au Musée d’art contemporain. Appropriation et déconstruction esthétiques.
L’an dernier, il était remarqué à la Biennale de Montréal. En 2005, il avait un solo au Power Plant à Toronto. Et sa carrière dépasse notre échelle nationale. Par exemple, il était invité l’été dernier au Drawing Room à Londres pour y montrer une immense pièce dont vous pourrez d’ailleurs voir une version au MAC (The Last Two Million Years).
Il faut dire que Geoffrey Farmer (artiste né en 1967) propose un art tout à fait dans l’esprit de notre époque, des oeuvres qui questionnent à la fois le monumental et l’antimonumental. Lors de ma visite de l’exposition Unmonumental (au New Museum de New York qui a ouvert ses portes en décembre dernier), j’y ai vu bien des artistes qui jouent (ou qui ont joué dans une récente expo) sur ces deux tableaux. Il y a ceux qui réinterprètent le socle (John Bock, Matthew Monahan, Manfred Pernice, Carol Bove, Carlos Bunga, Alexandra Bircken…). Et puis il y a ceux (parfois les mêmes) qui font dans le petit rien (Abraham Cruzvillegas, Claire Fontaine…). Étrangement, cette esthétique du presque rien fait beaucoup penser à celle de Serge Murphy, à l’exception que celui-ci n’a pas attendu cette mode pour s’intéresser au banal.
Farmer fait lui aussi dans les deux registres, les deux versants de la monumentalité. Certes, il sait utiliser ces paramètres avec intelligence. Son installation The Last Two Million Years (composée des images découpées et placées sur des piédestaux d’un livre résumant l’Histoire de l’humanité) montre son talent, sa capacité à travailler à la limite entre le majestueux et le négligeable, le puissant et le fragile… Mais, entre ses diverses pièces, le critique a parfois du mal à voir une continuité formelle et une originalité soutenue. Son vidéo (qui apparaît très faible), montrant les fontaines du Complexe Desjardins, me semble être le signe que cet artiste ne fait toujours pas preuve d’une identité marquante dans toutes ses productions.
ARNAUD MAGGS
Même si Arnaud Maggs (maintenant âgé de 80 ans) est un artiste reconnu, je dois dire que j’allais un peu à reculons voir son projet au MAC. Son idée me rebutait un peu. Expliquons la chose. Il a photographié des planches en couleur de deux livres scientifiques du 19e siècle: Nomenclature of Colours d’Abraham Gottlob Werner (republié en 1814 par Patrick Syme) et Cercles chromatiques de Michel Eugène Chevreul (de 1839).
Le visiteur pourra se demander quelle est la pertinence de montrer des images de ces pages. Pourquoi ne pas exposer les ouvrages eux-mêmes? Encore une réappropriation postmoderne? Il y a dans la présentation de ces livres (que vous pourrez scruter ici comme jamais dans une bibliothèque) un je-ne-sais-quoi de merveilleux et d’étrange. Ces derniers recèlent une préciosité ancienne, une manière de faire et de présenter datée qui, à l’heure où on a le sentiment (souvent erroné) de la perte de l’aura de l’objet, ne manque pas de charme ni d’intelligence.
Jusqu’au 20 avril
Au Musée d’art contemporain
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À voir si vous aimez /
L’art de la réappropriation et de la déconstruction postmoderne
Farmer / Maggs