Pascal Grandmaison : Mise au point
Pascal Grandmaison réexpose à la Galerie René Blouin après trois ans d’absence. Il y offre un art plus conceptuel qu’il n’y paraît.
Cette expo pourra sembler purement postmoderne (dans le mauvais sens du terme). Elle a, en apparence, tous les signes d’un art esthétisant, avec des images très léchées. Pascal Grandmaison nous a surpris, à maintes reprises, en allant et persistant dans cette direction. Un peu trop. Sa proximité avec les images de mode m’a souvent agacé. Ici encore, il expose des clichés très séduisants avec des éléments très design. Les deux images à l’entrée de la galerie sont de cet ordre (Mechanical Dream I et II). Vous y verrez en gros plan une partie d’un appareil photo Nikon. Ce sont les repères en couleurs sur la bague servant à sélectionner la profondeur de champ. Les photos montrant le détail de cet instrument sont presque une ode au raffinement, au design de qualité qui rend beaux et plus pratiques des outils de notre quotidien. Mais en gros plan ainsi exhibé, ce détail délicat devient presque ostentatoire. Ce qui faisait sa qualité, c’était la subtilité de sa présence. Ainsi agrandis, ces éléments deviennent trop simplement des lignes décoratives.
Heureusement, Grandmaison sait nous tromper. Il a trouvé le moyen de jouer avec ces apparences. Il est un moderne qui se cache. Sa photo est souvent plus conceptuelle qu’il n’y paraît. Dans la grande salle de la galerie, toutes les images parlent des conditions de production de l’image photo: lentille macro, boîte d’alimentation pour un ancien flash… Grandmaison y frôle l’art conceptuel.
En fait, cette expo trouve sa signification dans sa totalité, comme s’il s’agissait d’une installation photographique. Voilà pourquoi il est presque embêtant d’avoir des titres différents pour chacune des oeuvres. Cela facilitera la vente, mais certaines images y perdront de leur valeur artistique. Les deux photos intitulées Background ne sont, en elles-mêmes, que de beaux exercices de style. Ces papiers froissés ayant servi à envelopper du matériel photo lors d’un transport ne tiennent pas la route autrement qu’en backgroung à l’expo. Ils ne prennent leur sens que dans le cadre global de la présentation. Ce n’est cependant pas le cas de Fading Light, qui montre une boîte alimentant l’ancien flash d’un appareil photo. Cette boîte, dont Grandmaison répète le motif, finit par ressembler aux tours du World Trade Center s’évanouissant dans l’obscurité. Du coup, ces photos nous disent comment une image (sans texte) n’est pas suffisante pour faire comprendre la réalité d’un événement complexe.
En bout de ligne, c’est la série Increasingly Empty Forms qui retiendra le plus l’attention (dans la petite salle). Il s’agit de photos très épurées (s’épurant de plus en plus, au fur et à mesure que la série progresse), scrutant des parties de la tranche d’un livre sur le cinéaste Stanley Kubrick par sa femme, Christiane. Douze images (en hommage aux douze films que Kubrick reconnaissait totalement) montrent ce livre avec ses signets, sa structure matérielle. Un hommage à la façon dont Kubrick a épuré son style de plus en plus dans sa carrière? Peut-être. Mais ce titre comporte aussi une critique négative du monde des apparences que Kubrick n’aimait guère.
Jusqu’au 5 avril
À la Galerie René Blouin
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L’art conceptuel rencontrant le design