Anne-Marie Ouellet : L’art en vogue
Laissons le moine à ses prières. Avec Anne-Marie Ouellet, l’habit fait plutôt le monde. Voire le mode de vie. Et qui sait, peut-être la mode?
Coup sur coup, les 13 et 14 mars derniers, on "vernissait" des oeuvres d’Anne-Marie Ouellet à la fois à Espace Virtuel et à Langage Plus. Il s’agissait d’Unicité et autres prototypes de protection, un projet de commissariat conjoint liant les deux centres d’artistes. Cette expérience était relatée par Jocelyne Fortin, directrice du centre d’artistes almatois, lors du vernissage de Langage Plus: "Ça a été véritablement un plaisir de travailler avec Anne-Marie, mais un plaisir aussi de travailler avec la directrice d’Espace Virtuel, Marie-Hélène Leblanc. On trouve que c’est vraiment important, à Langage Plus, de travailler en réseaux. On essaie toujours de développer notre système de réseautage."
Pour le public, ce premier commissariat partagé permet de voir non seulement le travail récent de l’artiste (surtout à Langage Plus, excepté pour le costume de Chicoutimi), mais aussi une rétrospective de son travail des dernières années (à Espace Virtuel). On voit ainsi l’évolution de son intérêt pour l’accessoire – des sculptures portables et transformables, isolant souvent le porteur de son milieu – vers le vêtement, l’uniforme, qui inscrit plutôt celui qui le revêt dans sa collectivité, mettant à l’avant-scène le sentiment d’appartenance.
Dans la région, il n’existe pas de costume qui soit véritablement représentatif des identités des Chicoutimiens ou des Almatois. L’artiste a noté que la tradition est à ce titre très différente en France, où chaque région a son propre costume, souvent revêtu lors des fêtes folkloriques. Ainsi, Strasbourg, où elle a travaillé pendant trois semaines dans le cadre des résidences croisées organisées par Langage Plus, avait déjà le sien. C’est en partie pour cette raison que le costume qu’elle a alors imaginé s’inspire plus particulièrement du "quartier Gare", à Strasbourg. "Je trouvais que c’était une grande ville, et que c’était peut-être bien d’avoir une identité de quartier. Il y a des références au costume alsacien ainsi qu’au côté multiculturel du quartier Gare de Strasbourg, parce que c’est un quartier multiethnique. J’y fais référence avec des tissus et des accessoires."
Ce redécoupage plus local de l’identité est une particularité de la démarche de l’artiste, certainement le point le plus pertinent en regard de la thématique d’Espace Virtuel, Dans ma localité. Évidemment, Ouellet connaît les limites de son travail et ne prétend pas avoir réussi à établir avec précision tous les éléments identitaires des localités visitées.
Lors d’un bref discours au vernissage de l’exposition de Langage Plus, elle convenait que ses uniformes sont seulement des propositions, car même si sa démarche a quelque chose de sociologique, elle est d’abord et avant tout artistique. Donnant l’exemple du premier habit de la série, elle évoque le fait que son travail aurait pu être tout autre si ses conditions de résidence à Strasbourg avaient été différentes: "Je me suis toujours dit que si j’étais restée plus longtemps, ça aurait certainement été un autre costume."
Lors de cette résidence strasbourgeoise, son travail en était surtout un de témoin, puisqu’elle portait un regard vierge sur une identité qui lui était étrangère, donnant ainsi une très grande importance à sa propre perception de l’identité propre à son quartier hôte. Sa création de costumes représentant Alma et Saguenay aura été moins univoque. En effet, son travail s’est structuré sur les résultats d’une consultation populaire – sous forme de questionnaires et d’appels à la population – qui lui aura permis d’isoler ce que les Almatois et les Chicoutimiens pensent d’eux-mêmes. Ainsi, des accessoires gonflables situés sur les manches du costume chicoutimien auront été inspirés par l’importance du déluge dans l’imaginaire des répondants. Même les couleurs des costumes auront été dictées par la volonté populaire.
S’ils ne sont pas destinés au marché de la mode, les vêtements et accessoires créés par Anne-Marie Ouellet le sont toutefois de façon à pouvoir être portés – en sont témoins les différentes photographies montrant l’artiste habillée des costumes dans la localité qu’ils représentent. Le costume almatois est même doté d’une veste réversible: un côté qui serait utile pour le travail, l’autre plus chic pour faire la fête…
Unicité et autres prototypes de protection est donc une double exposition qui revêt un caractère fort inusité pour les amateurs d’art de la région. De là à devenir la tendance printemps-été 2008…
Jusqu’au 18 avril
À Espace Virtuel
Jusqu’au 20 avril
À Langage Plus
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