Martin Grant : L’objet en révolte
Avant même la saison des barbecues, Martin Grant nous convie dans son Arrière-cour. Allons jouer dans ses plates-bandes…
Avec la neige qui fond renaît une partie de l’empire exigu de notre propriété. Le cabanon condamné par la neige. Les plates-bandes et les arbustes endormis. On redécouvre cette partie de notre univers qui ne nous appartient véritablement que l’été.
Le minuscule cabanon, la tondeuse et les cartons de rangement n’auront jamais semblé si étranges. Ce qui est chez soi d’une banalité ennuyante prend tout à coup un aspect tout autre à Espace Virtuel. Car c’est justement le rapport qu’entretiennent les propriétaires avec leur arrière-cour et les différents objets qui la peuplent qui préoccupe Martin Grant, artiste qui présente entre les murs de la galerie son projet intitulé Arrière-cour.
Grâce à un jeu d’oeils magiques, le visiteur insufflera par sa présence une volonté de vivre aux différentes installations de l’artiste. Ainsi la tondeuse, objet banal s’il en est, prend des airs d’animal enchaîné, cherchant vainement à se défaire du lien qui la contraint à un territoire restreint, duquel elle ne saurait s’extraire. Et le cabanon, au fond de la salle, recèle même des surprises presque musicales pour quiconque osera s’y enfermer…
S’il s’agit d’une exposition plutôt ludique, qui amusera certainement par le côté anecdotique de l’expérience qu’elle fait vivre au visiteur, on sent aussi le besoin pour l’artiste de remettre en question la perception que les gens entretiennent quant aux objets qui occupent leur quotidien.
Cette volonté de susciter une inquiétante étrangeté est particulièrement marquée avec la métamorphose de la tondeuse. Gardée en otage, rendue complètement difforme, elle se meut par des reptations machiniques incertaines parfois angoissantes.
L’aspect déséquilibré de la charpente du cabanon à laquelle son lien la retient contribue aussi à la remise en question de notre perception. On relèvera dans cette structure une dénonciation à peine voilée de la surconsommation, alors que les cartons s’empilent jusqu’à l’encombrement le plus inefficace. Une question surgit alors: est-ce l’accumulation effrénée d’un matérialisme (jugé socialement acceptable) qui fait s’incliner dangereusement la structure?
De toute évidence, avec Grant, il faut renouveler notre adhésion à la vie. Sur ses traces, se réapproprier l’objet, le revaloriser, voire lui accorder un nouveau sens et une nouvelle fonction. Notre environnement quotidien cherche à se faire entendre. C’est une musique aux oreilles de celui qui saura écouter.
C’est une arrière-cour en révolte que Grant met en scène avec ses trois installations. Grâce à lui, des objets se réinventent de façon plus ou moins créative. Mais au bout du compte, le constat incontournable est que l’utilité est un concept humain, et que l’objet sans l’homme – comme l’oeuvre sans le visiteur – n’est absolument rien, n’existe pas.
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