Marie-Claude Bouthillier : Le corps de la peinture
Arts visuels

Marie-Claude Bouthillier : Le corps de la peinture

Marie-Claude Bouthillier n’avait pas eu de solo à Montréal depuis cinq ans. Elle revient en force avec une peinture discutant de notre croyance dans les images.

Ici, un tableau montre une Vierge Marie majestueuse d’inspiration byzantine. Elle est placée debout, rayonnante, entourée d’une constellation de halos bleus. Là se tient une image d’une Vierge ocre et stylisée, assise dans une pose qui a un petit côté Bouddha.

Un peu partout, dans cette expo intitulée Apparitions, se déclinent des liens avec le religieux. Mais de ces images consacrées ne restent que les drapés, évidés de leur corps, sans visage, sans mains, sans pieds, sortes de fantômes composés de réseaux de plis et de replis, de sinuosités avant tout picturales. De plus, cette iconographie se trouve comme parasitée par d’autres images: bandages de l’homme invisible, soucoupes volantes… Il y a du mystère là-dessous. Que cache-t-il?

Dans un premier temps, Apparitions nous oblige à nous rappeler comment, dans l’histoire de la chrétienté, le corps (et en particulier celui de la femme) a été mis à l’index. Au Moyen Âge, en Occident, le corps est souvent schématisé, mis en aplat, sans sa volumétrie qui pourrait rappeler la chair, objet de tous les péchés. Les représentations du corps et du monde ont été perçues comme dangereuses par bien des religions, et le catholicisme, c’est le moins qu’on puisse dire, n’y a pas échappé. Mais Bouthillier sait retourner (comme une chaussette) cette esthétique pour en faire un jeu visuel très sensuel.

Dans un second temps, il faut aussi faire une lecture formaliste du travail de Bouthillier. Les tissus si présents dans ces tableaux, pliés, dépliés, déclinés de bien des manières, pourraient être vus comme une métaphore de la peinture même, de sa surface qui révèle une image du monde, une manière de le voir et de le représenter. Le tableau intitulé L’Homme invisible rendu visible par ses bandages mêmes serait l’incarnation de cette problématique: la surface peinte, la toile, permet de voir. Le regard n’est jamais tout à fait suffisant et les images (dont celles produites grâce à la peinture) sont là pour donner du sens au monde. Mais les images sont trompeuses, nous rappelle aussi l’artiste. Elles peuvent donner à voir des soucoupes volantes…

Jusqu’au 17 mai
Au Centre Clark
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