Protocoles documentaires II : Retour vers le futur?
À travers Protocoles documentaires II, les commissaires Vincent Bonin et Michèle Thériault nous convient à un retour sur des pratiques artistiques des années 60 et 70. Très actuel.
Vous connaissez la Galerie Véhicule Art de Montréal? Et le Nightingale Arts Council de Toronto, la Intermedia Society de Vancouver et la Art Workers Coalition de New York? Peut-être pas. Cependant, ceux qui étaient assez âgés dans les années 60 et 70 se souviendront certainement de ces divers organismes (pour la plupart disparus) où les artistes s’engageaient avec force, pour changer l’art, la manière de le faire et du même coup la société à laquelle ils participaient.
L’exposition Protocoles documentaires II, montée par Vincent Bonin, se veut une remémoration de cette époque engagée. Dans notre marché de l’art contemporain mondialisé où les artistes pensent avant tout à leur carrière et à leur nom, voilà un esprit collectiviste qui ne manque pas d’intérêt. Vous pourrez y voir toute la documentation entourant ces lieux d’échanges très riches en idées. Vous pourrez y lire, entre autres, un texte de Carl Andre critiquant l’artiste "entertainer", super riche, qui a tendance à ne plus fréquenter que des gens aussi riches que lui et qui "rapidement s’implique dans la mode, dans l’obsolescence et dans la haine des artistes qui voudraient prendre sa place". Vous pourrez aussi y voir plusieurs documents vidéo (la caméra vidéo apparaissait à l’époque comme un outil de démocratisation de l’image). Par exemple, dans Les Knock Outés de Lyse Chagnon, vous entendrez des employés de la presse mis en lockout en 1971, effectuant une critique du capitalisme sauvage, du pouvoir des grandes compagnies (et de Power Corporation), de la mainmise de l’argent sur la presse écrite et les médias… Des sujets encore très actuels. Une telle expo est-elle à ranger dans la catégorie souvenirs-nostalgiques-pour-historiens-de-l’art-mélancoliques-et-passéistes ou est-elle le signe d’un regain d’intérêt pour un art plus engagé? Seul le futur nous le dira.
Voilà une expo qui pourra apparaître à certains comme un peu trop touffue. Certes, une petite brochure vient expliquer et mettre en contexte la quantité phénoménale de documents, textes, vidéos exposés, mais parfois on aurait eu besoin de plus d’explications sur les murs de la galerie. Cette prolifération crée néanmoins le sentiment de plonger dans l’épaisseur du réel de cette époque, dans l’explosion créatrice d’une ère pas seulement riche d’argent, mais aussi en idées et en talents.
FILIATIONS CONCEPTUELLES
Une expo d’art conceptuel accompagne judicieusement cette présentation. Le parti pris de la commissaire Michèle Thériault est de montrer la "résurgence sans précédent" de cette forme d’art depuis une dizaine d’années après un "triomphe" dans les années 60 et 70. Dans Filiations conceptuelles, sept artistes canadiens renouent, souvent avec intelligence, avec cet art où l’objet bourgeois se trouve régulièrement ruiné. Le visiteur remarquera en particulier le travail de Thérése Mastroiacovo qui récupère une vidéo de William Wegman à sa manière, c’est-à-dire d’une façon humoristique. Elle nous rappelle que l’art conceptuel était et est toujours moins hermétique que ce que l’on pourrait croire. Avec aussi Sophie Bélair Clément, Damian Moppett, Daniel Olson, Pavel Pavlov, Charles Stankievech et Chih-Chien Wang.
Jusqu’au 14 juin
À la Galerie Leonard et Bina Ellen
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L’art d’une autre époque, alors qu’il était plus engagé
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