Nelly Massera : L’art caméléon
Nelly Massera est la dernière artiste à avoir profité du programme de Résidences croisées liant Langage Plus à l’Alsace. Son travail s’inspire un peu, beaucoup, à la folie, de l’imagerie amérindienne.
L’ours est dans le vent. Avec quelques apparitions remarquées dans certains lieux publics de la région, des représentants de l’espèce auront beaucoup fait parler d’eux. Aurait-il fallu parler plus de l’exposition de Nelly Massera à Langage Plus?
Cette 18e résidence du programme liant Langage Plus à l’Alsace mène encore une fois à une exposition fortement imprégnée des idées préconçues qui semblent répandues chez nos cousins français. Comme si tout ce qui se créait au Québec devait nécessairement faire une incartade dans l’univers mythologique amérindien.
L’exposition de Massera, intitulée La bête est plus proche qu’elle ne paraît, a emprunté un sentier tracé par bien d’autres artistes auparavant. Les signes sont connus: peau d’ours, cri de l’orignal, animisme animalier, chasse et traditions. Si tout y est dans un ensemble plutôt harmonieux, ce à quoi contribue une ambiance sonore de bruissements naturels, le visiteur habitué ne pourra qu’être frappé par une impression de redondance, voire exaspéré à l’idée que ces oeuvres continueront de colporter les mêmes préjugés sur le Québec une fois de retour au bercail.
La question se pose de plus en plus inévitablement. Un programme de résidences croisées comme celui qui est chéri par Langage Plus ne devrait-il pas être un lieu d’échange? Un véritable dialogue permettant au public local de découvrir un peu de cette France invitée à créer dans les murs du centre d’artistes?
Évidemment, toute l’exposition n’est pas à rejeter en bloc, certaines oeuvres n’étant pas dénuées d’intérêt. C’est le cas de l’immense représentation d’une peau d’ours étendue au sol, image numérique créée à la manière d’une courtepointe rapiéçant les détails de différentes fourrures. Tout près, en projection murale, un homme au torse nu, présenté sous différents profils, en viendra à revêtir la peau de l’ours, comme s’il voulait réduire l’inaliénable distance qui le sépare de la bête. Or, cette oeuvre à elle seule révoque la thèse proposée dans le titre de l’exposition, montrant que le rapprochement n’est possible qu’en acceptant les règles du simulacre et du travestissement.
Trois oeuvres vidéographiques très proches, souvent distinctes exclusivement par un léger décalage, sont rassemblées par leur disposition, mais séparées par les casques d’écoute. Ces dispositifs s’avèrent toutefois nécessaires pour isoler l’auditeur, lui permettant de se concentrer sur l’écoute des témoignages recueillis. On entendra entre autres le récit d’un homme persuadé du passage de son beau-frère au clan des ours après sa mort tragique.
Malgré une bonne cohésion, les photos, vidéos et installations étant liées sous le signe d’une ambiance sonore à tendance naturaliste, le traitement des signes de l’amérindianité mériterait plus de profondeur, comme c’est souvent le cas en pareille circonstance. À moins d’avoir vraiment un intérêt particulier pour le genre, on peut cette fois passer son tour et se contenter d’être l’homme qui a vu l’homme qui a vu l’ours…
Jusqu’au 15 juin
À Langage Plus
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La mythologie amérindienne, Céline Trouillet