Yves Saint Laurent : Révolution Saint Laurent?
Arts visuels

Yves Saint Laurent : Révolution Saint Laurent?

Yves Saint Laurent a fait de la haute couture pendant plus de 40 ans, cessant ses activités début 2002, à 65 ans. Alors qu’il vient de s’éteindre à Paris, une rétrospective retrace son immense carrière.

Lors de la conférence de presse, Pierre Bergé, compagnon d’Yves Saint Laurent et ancien PDG de YSL Haute Couture, a fait une étonnante affirmation. Il a dit avoir "plus de respect pour Zara ou H&M que pour certaines pseudo-maisons, dites de couture". Cette déclaration s’ajoutait à un énoncé tout aussi inattendu, Bergé clamant "ne plus croire à la haute couture, mais à la mode", c’est-à-dire "plus à la gestion du marketing, des communications…". "De nos jours", a-t-il ajouté, "je crois plus à un chef de produit qu’à un styliste". La haute couture serait morte avec le départ de Saint Laurent…

UN ART REVOLUTIONNAIRE?

Je dois dire mon tiraillement devant cette expo. D’une part, je sais à quel point la mode et la couture peuvent être révélatrices de changements de valeurs sociales et générationnelles. Il suffit de voir comment le nombril exposé des jeunes filles dans les années 90 a créé tout un émoi chez leurs mères, qui semblaient avoir oublié que leur propre génération avait porté la minijupe de Mary Quant et d’André Courrèges dans les années 60. Nous nous souvenons aussi de Poiret abandonnant le corset au début du 20e siècle, participant à une lente libération du corps des femmes. Et dans l’expo qui nous occupe, vous verrez comment Saint Laurent a développé le smoking pour femme, comment il a appuyé le pantalon pour celles-ci, à une époque où cela était encore très mal vu… L’histoire du costume est le reflet de questions sociales. Soit.

Je sais aussi que la haute couture est un outil de distinction pour la classe riche dominante. Quand j’entends parler de recherche, d’avant-garde et de révolution à propos de la mode, je suis éberlué… Le catalogue et l’expo Saint Laurent vont néanmoins sans gêne dans cette voie. La salle sur les vêtements inspirés de la mode du monde entier donne pourtant très souvent dans l’exotisme cliché. Quand, dans les médias, j’entends des chroniqueurs de mode, à chaque collection, dire qu’un tel a changé à jamais l’image de la femme, ou que tel autre est un génie, je lève les yeux au ciel. La plupart des "révolutions" vestimentaires ne sont pas venues de la haute couture, mais bien de la rue.

Le t-shirt (et l’idée de faire d’un sous-vêtement un vêtement) ne fut pas lancé par des couturiers. L’idée des seins libres de soutien-gorge ne vient pas d’Yves Saint Laurent, mais de la génération contestataire des années 60. La musique rock, les mouvements socio-artistiques à connotations politiques (les beatniks, les hippies, les punks…) ont eu beaucoup plus d’impact dans nos sociétés et sur nos manières de nous vêtir que la haute couture, réservée à une petite élite de gens extrêmement riches (certaines robes coûtent plusieurs centaines de milliers de dollars). Les clientes qui ne s’habillent qu’en haute couture ne sont que quelques centaines. Cette haute couture a peut-être cautionné auprès d’une classe bourgeoise certains types d’habillement et de manière d’être, mais a-t-elle représenté une révolution? La couture continue de soutenir des images corporelles très contraignantes pour les femmes.

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