Les Années 1930 : Années troubles
Arts visuels

Les Années 1930 : Années troubles

Art, biologie et politique sont au rendez-vous dans Les Années 1930, une exposition d’été mise sur pied par le Musée des beaux-arts du Canada.

1929. Effondrement des marchés boursiers à New York. S’ensuit une décennie de crise caractérisée par la Grande Dépression, par la montée fulgurante des régimes totalitaires ainsi que par une série de bouleversements sociaux et culturels. Et les milieux créatifs dans tout ça? Le Musée des beaux-arts du Canada vient en partie répondre à cette question avec Les Années 1930. La Fabrique de l’homme nouveau, alors que sont exposées en exclusivité plus de 200 oeuvres d’artistes européens et nord-américains qui proposent au visiteur le survol de cette période de l’histoire poignante et complexe. La fascination pour la biologie, tant sur le plan politique qu’artistique, est démontrée par la divergence d’intérêts, néfastes ou féconds, que sert cette science de la vie. Neuf thèmes clés regroupent ainsi des ouvrages qui permettent de saisir l’impact foudroyant de ces préoccupations scientifiques examinées durant ces années d’avant-guerre.

Les premières salles thématiques sont sans doute celles qui présentent un intérêt plastique plus marquant. Des compositions abstraites de Kandinsky et de Miró suggérant des allégories d’organismes cellulaires, en passant par le concept de l’oeuf originel brillamment interprété comme dans l’Enfant géopolitique de Dalí, le thème de la genèse est maintes fois repris par les peintres et les sculpteurs de l’époque. De même, leurs obsessions et la manifestation de leur inconscient sont aussi évidentes dans des représentations surréalistes du corps humain, celui-ci déformé et réinterprété de manière inhabituelle et inusitée par un Giacometti ou un Masson aux prises avec des pulsions quasi hallucinatoires…

Bernard Fleetwood-Walker, Amity, 1933. Huile sur toile, 101,3 x 94,7 cm.
photo: National Museums Liverpool, Walker Art Gallery

Les salles suivantes contiennent davantage de matériel à caractère didactique (entre autres un bureau ayant appartenu à Adolf Hitler et plusieurs photographies témoignant d’une valorisation accrue d’un corps robuste et en santé), indices précurseurs de l’idéologie fasciste de ce temps. Le culte de l’homme nouveau (le sportif, le héros, le guerrier) atteint un point culminant pour laisser derrière lui les races considérées comme faibles ou inférieures, et l’établissement d’une forme de propagande est frappant lorsque observé à travers des toiles ou des bustes dont la valeur esthétique semble faire quelques bonds en arrière sur la ligne du temps. Est véhiculé et fortement promu à l’époque un retour vers le classicisme et la tradition (Amity de Bernard Fleetwood-Walker constitue un exemple frappant), mais certains artistes, comme l’expressionniste Otto Dix, parviennent à transgresser dans leurs toiles les idéaux privilégiés par les nazis. La contestation ne fait-elle pas partie du discours de l’artiste?

Sans vouloir rien enlever à l’horreur et à la gravité des conséquences de la Deuxième Guerre mondiale, il est étonnant de constater que les sujets abordés dans cette exposition sont comparables aux inquiétudes et appréhensions mises de l’avant dans l’ère présente… (L’homme n’apprend-il donc jamais de ses erreurs?) En somme, malgré une mise en contexte un peu nébuleuse (le visiteur aura certainement de la difficulté à conjuguer son appréciation des oeuvres à un rappel des événements de l’histoire; audioguide recommandé!), le Musée des beaux-arts du Canada a relevé un défi de taille en rassemblant et en classifiant un nombre prodigieux d’oeuvres de l’ère présentée.

Jusqu’au 7 septembre
Au Musée des beaux-arts du Canada
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