BGL : Pied de nez marin
Arts visuels

BGL : Pied de nez marin

Entrevue avec BGL, qui présentait vendredi dernier son ultime création sur un quai flottant du bassin Louise, sous la menace d’horribles loches édentées. Brrr.

L’acronyme BGL n’est pas celui d’une entreprise de construction de Sainte-Foy. Ce n’est pas non plus une référence obscure à Bastien Gagnon-Lafrance. Ce sont plutôt les initiales des patronymes d’un trio d’artistes contemporains de Québec qui nous présente à l’Espace 400e une oeuvre intitulée Le Club.

C’était donc l’inauguration vendredi passé de l’oeuvre aux accents maritimes du prolifique groupe BGL. Arborant leurs habits de plaisanciers, Jasmin Bilodeau, Sébastien Giguère et Nicolas Laverdière nous ont fait la démonstration réussie que "l’art, actuel ou non, doit s’adresser à toutes et tous". Un de ceux-ci décrivait l’installation de la façon suivante: "Il s’agit d’évoquer l’atmosphère d’un club nautique, d’un cocktail dînatoire ou d’une inauguration, ce qui est aussi une référence au 400e anniversaire de la ville."

Sur une plate-forme sont alignées deux rangées de bicyclettes stationnaires – dont les sièges rappellent ceux des embarcations du Vieux-Port – situées de chaque côté d’une table de banquet constituée de pyramides de coupes et de magnums de champagne. L’oeuvre, interactive tel que l’exigeait la commande, invite les visiteurs à pédaler de façon à pomper l’eau du fleuve dans ces fontaines de verre qui gicleront sous l’action de leurs muscles vigoureux. Juste derrière, une multitude de banderoles de carrés bleus flottants battent joyeusement dans la brise fraîche de la marina, rappelant les jeux de la lumière sur une eau frémissante.

Le Club est une preuve tangible que l’art même le plus actuel n’est surtout pas un "trip" de spécialistes et d’intellectuels finis. L’efficacité des oeuvres du groupe se vérifie encore ici. Car au-delà de l’idée festive demeure ce cynisme corrosif qui lui est caractéristique. Comme les artistes nous l’exprimaient, "Le Club est surtout un moyen d’intéresser le public et d’espérer un mouvement des gouvernements par rapport à la délicate question de l’eau potable comme richesse nationale […]. On trouve que ça ne bouge pas assez, alors que pour le pétrole, divers pays, dont le nôtre, se sont réveillés quant à son importance et à son exploitation." D’ailleurs, un des membres du collectif nous confiait vouloir réutiliser le même mécanisme pour "pomper du pétrole" dans une oeuvre ultérieure.

Se félicitant que l’oeuvre demeure ancrée dans le présent et "ne fasse aucune référence directe à l’histoire", le groupe en a aussi profité pour souligner qu’il est impératif que les artistes demeurent libres même dans un contexte contraignant de commande. En aparté, un des créateurs ajoutait que le seul problème avec cette oeuvre est qu’elle est pour l’instant assez fragile. Déjà, dimanche, lorsque nous y sommes retournés, l’oeuvre était inaccessible. Espérons pour nous qu’elle sera vite réparée et que ces artistes rusés trouveront, selon leurs mots, "comment rendre cela immuable"!

Jusqu’au mois d’octobre
À l’Espace 400e

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