6 Émissaires : Paysages et visages
Arts visuels

6 Émissaires : Paysages et visages

6 Émissaires furent envoyés au coeur de la ville. Vous verrez, chez VU.

Un professeur disait un jour: "Le beau, s’il existe, n’est pas gentillesse, courbettes et minauderies. Pour qu’une oeuvre parvienne à émouvoir, il faut que l’artiste ait choisi de se mettre en péril, bouscule nos idées reçues en s’ouvrant lui-même à la possibilité tragique de l’échec. Sans ces qualités, toute recherche sur le sens demeurera vaine ou sinon d’une certitude complaisante et moribonde." Ce professeur évoquait comment la part d’audace mêlée à un hasard heureux peut être utilisée comme moteur pour transformer notre vision du monde et faire évoluer la pensée. 6 Émissaires, la nouvelle exposition de photographies chez VU, fait partie de ces avancées qui marquent l’histoire des découvertes artistiques.

C’est le cas des oeuvres de Binet et Altman, qui réussissent à nous imposer leur vision incisive. Magnifique pour la première, espiègle et impeccablement construite pour la seconde, leurs oeuvres revisitent les images historiques d’un Québec que nous connaissons par coeur. Des vues si bien connues de notre imaginaire collectif qu’elles ont gommé notre regard, nous rendant aveugles à notre propre voisinage. Binet et Altman jouent avec brio sur l’ambiguïté, pastichant des peintures de Krieghoff ou des "vues" anciennes de la ville…

Dans cette même veine, Hayeur travaille sur la construction de paysages imaginaires en déplaçant des "morceaux" de ville. Brillante idée que celle d’accoler la façade en ruine de l’église Saint-Vincent-de-Paul un peu partout, notamment dans le quartier Petit Champlain. Remarquez comment une lumière semble émaner des tirages dans cette section créant un effet particulier, surréel.

Il y a aussi la série du duo Doyon-Rivest inspirée des scènes de genre, où des personnages (une geisha, un Africain et un gentilhomme du 18e siècle) visitent les intérieurs de lieux célèbres de notre ville. Vous reconnaîtrez la basilique, la bibliothèque du Morrin College et plusieurs autres endroits où les personnages affectent la pose dans une sympathique mise en scène.

Voyez comme opposé à cette série le dénuement complet des paysages intérieurs de Cohen, des lieux propres et impersonnels de la base de Valcartier (hall d’entrée, piscine) d’où la figure humaine est absente. Ces morceaux nous invitent dans des compositions plastiques au coeur d’une solitude contemplative dont nous sommes les héros.

Pour terminer, ne manquez pas les pièces de Beauséjour, quelques portraits de profil des rois et des reines d’Angleterre qui se sont succédé dans l’histoire de la ville. Il s’agit en fait de prélèvements des profils apparaissant sur les pièces de monnaie britanniques… Un clin d’oeil à la domination coloniale anglo-saxonne.

Disons-le, jusqu’à maintenant, il s’agit, avec Intrus (MNBAQ) et la Manif d’art 4, de la plus belle exposition que le 400e nous ait donnée. Elle est gratuite, en plus!

Jusqu’au 10 août
Chez VU
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