Cyrille C. de Laleu : Tour d'horizon
Arts visuels

Cyrille C. de Laleu : Tour d’horizon

Dans un rapport fructueux entre l’art et la géographie, c’est une distance insécable que met en scène Cyrille C. de Laleu. On caresse l’horizon à la galerie Séquence.

Se rapprocher de l’horizon. C’est ce désir millénaire qui poussa l’humanité à peupler la planète. Et qui plus tard lui donna des ailes. L’horizon, cette limite inatteignable, la suprême représentation de la distance, l’objet de la seule quête véritablement impossible.

D’entrée de jeu, l’artiste française Cyrille C. de Laleu propose des pistes pour l’appréciation de ses oeuvres. Deux photographies font la synthèse de ses préoccupations, soit la mise en rapport du corps et de l’échelle avec des cartes topographiques. Ces dernières ont été tracées à partir de repérages effectués sur le terrain, lors d’un passage aux Monts-Valin.

L’artiste joue donc sur ces deux plans: le corps et l’échelle. La distance s’évalue différemment selon qu’elle est envisagée par un corps entrant directement en relation avec l’espace – par exemple, quelqu’un qui marche sur une route enneigée -, ou qu’elle subit la distorsion régulière d’un jeu d’échelle – cette relativisation de la distance permise grâce à l’utilisation des outils géographiques.

Toutefois, on sent avec le travail de Cyrille C. de Laleu que la distance est aussi, et peut-être surtout, une question de rapprochement. En ce sens, l’art est alors envisagé de la même façon que les outils géographiques: il devient un mode de contre-distanciation spatial et temporel.

Les rapprochements sont multiples parmi les différents projets présentés. C’est une mise en rapport techniquement très complexe dans L’Utopie des distances alors qu’une projection unique montre deux horizons différents – un québécois, un européen – qui se font écho sur des écrans distincts, légèrement influencés par la présence du visiteur dans la salle.

Dans le cas de Vague Horizon, le visiteur se retrouve face à la mer, mais le lointain et le proche ont été occultés de blanc, disparaissant dans un brouillard impossible à dissiper. L’horizon si vaste auquel notre expérience du paysage côtier nous habitue se voit fermé, concentré sur cette bande visible où les vagues lèchent la plage. Ainsi, la perspective change du tout au tout: le monde n’est-il pas à nos pieds avant de se perdre dans l’éloignement?

Se rapprocher de l’horizon devient extrême dans l’espace Michael Snow, où l’artiste présente une installation vidéographique et sonore. Après avoir filmé l’horizon pendant une promenade dans la neige, elle a isolé un pixel – infime parcelle de l’image – de chacune des 24 images par seconde qui forment la vidéo d’environ huit minutes. Le résultat donne une évolution subtile de lumière à l’écran, répondant au bruissement des pas du protagoniste. Tout se passe comme si la proximité démesurée du monde qui nous entoure nous refusait une véritable perception de ce qu’il est.

Un peu en marge des autres oeuvres proposées, une parodie évoque l’oeuvre picturale L’Origine du monde, de Courbet, qui montrait le ventre et les organes génitaux d’une femme complètement offerte. Par un détournement vidéographique, l’artiste fait pénétrer puis extrait de la vulve ce jouet intime appelé "boules chinoises", évoquant des planètes surgissant puis disparaissant dans la matrice, répétant cette séquence de naissances. Le corps ainsi absorbe l’espace, le réduit à néant, puis le crée à nouveau…

Cyrille C. de Laleu montre sans pudeur et par différentes expérimentations que c’est l’être humain qui est à la source de toutes les distances. Toujours point de départ. Et à la fois toujours loin du monde. C’est à Séquence que ce rapprochement se produit.

L’Utopie des distances
Jusqu’au 17 août
À Séquence
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