G.B. Jones : Jeux de miroirs
Premier solo de G.B. Jones à Montréal. Cette artiste de Toronto, représentée par la Galerie Paul Petro, fait dans l’esthétique très postmoderne de l’appropriation.
Nous avions déjà eu un aperçu de son travail, il y a deux ans, dans l’expo Teenage Kicks (montée par Mathieu Beauséjour) au Centre Clark. À juste titre, G.B. Jones y avait sa place: il y a en effet dans ses oeuvres une reprise d’une esthétique ado. Par exemple, ses dessins au crayon de plomb sur papier, volontairement malhabiles, semblent tout droit sortis du cahier d’une jeune fille qui trouverait dans l’art un moyen de donner corps à ses désirs homosexuels.
Mais à l’évidence, le travail de Jones accomplit plus que cela. Elle sait à la fois utiliser et dépasser cette mise en scène, ce voyeurisme de l’univers des adolescents, manière de faire qui est très à la mode en art contemporain ces temps-ci (Collier Schorr, Larry Clark, Rineke Dijkstra…). Dans sa série de dessins inspirés du dessinateur Tom of Finland, Jones s’approprie des oeuvres désormais célèbres. Elle s’empare d’un univers homosexuel masculin majoritairement macho, rempli d’archétypes hétérosexués et détournés de leur sens premier, devenus des emblèmes de la culture gay. Du coup, le travail de Jones revêt un aspect féministe indéniable – les femmes peuvent elles aussi se représenter en situation de pouvoir. Mais elle est plus que féministe, elle est aussi une digne héritière des gender studies et autres approches récentes sur l’identité sexuelle. Ces femmes qui semblent lesbiennes, jouant des rôles d’hommes gays incarnant les apparences d’hommes hétéros, nous disent combien, dans la postmodernité, les codes identitaires sont souvent perçus comme des jeux de rôles reflétant le groupe social auquel on appartient. Nous jouons tous à incarner un modèle identitaire (symbolisant des rapports de force).
Jones s’approprie aussi d’autres univers. Dans ses films, dont vous pourrez voir les bandes-annonces, elle reprend la manière du cinéma d’avant-garde en mettant en scène, entre autres, des adolescents et adolescentes. Dans ses dessins de voitures accidentées, elle reprend presque toutes les oeuvres récentes ayant exposé ce sujet, celles de Bertrand Lavier, Charkes Ray, Sarah Lucas… Elle y rejoue une esthétique de la catastrophe sublime qui fascine aussi nos contemporains et qui n’est pas loin de l’univers des films d’horreur ou à suspens pour ados.
À voir si vous aimez /
Tom of Finland