Ilca Barcellos : Si Dieu avait été lunatique
Les petites bêtes d’argile d’Ilca Barcellos envahissent la Maison des arts et de la culture de Brompton. Quand une biologiste devient artiste…
Hédonisme: doctrine morale qui fait du plaisir le principe ou le but de la vie. Après avoir observé sous tous les angles les sculptures de céramique émaillée d’Ilca Barcellos regroupées sous le titre La Génétique hédoniste, il demeure difficile de trancher du plaisir de qui il est question. Il s’agit peut-être du plaisir des bêtes (elle les nomme elle-même ainsi) qu’elle crée de se reproduire et de s’approprier l’espace. "Ces embryons s’amusent. Ils jouent sur la peau de l’être matriciel et vont envahir l’espace de la salle. Ils se promènent. Ils s’amusent", explique l’artiste.
Tentaculaires ou polymorphes, les pièces de Barcellos représentent pour la plupart des espèces vivantes identifiables. Seul accroc au réalisme, ces espèces sont métissées: un serpent porte une tête de chat, un dinosaure et un hippocampe s’amalgament, etc. Comme c’est le cas avec le centaure mythologique, ces nouveaux animaux font sourire, tout en portant une certaine charge d’angoisse. Les explorations de la sculptrice, bien que plus naïves, ont également à voir avec les créations hallucinées de Dali ou avec les fresques de Bosch, minus la maestria, plus modestement.
Le plaisir qu’annonce le titre est peut-être aussi celui d’Ilca Barcellos elle-même. Biologiste de formation, la Brésilienne se donne corps et âme à la sculpture depuis sa retraite il y a deux ans. Après avoir enseigné toute sa vie le fonctionnement et la reproduction des êtres vivants "tels que Dieu les a conçus", l’artiste s’arroge la position de démiurge et modèle le vivant au gré de ses désirs. "Mon plaisir est celui de jouer avec la génétique, avec le lyrique et le fantastique et de créer des bêtes originales."
Avec La Génétique hédoniste, sa première exposition à l’étranger, Barcellos suppute en quelque sorte ce qui serait advenu si, au moment de la Création, Dieu avait consommé des opiacées ou avait été distrait. Et comme pour souligner son pouvoir, mais aussi pour ajouter au jeu, Barcellos s’approprie la nomenclature scientifique pour nommer ses oeuvres (un arbre phagocytant un papillon est intitulé Pappillyonida arboreum par exemple). Comme quoi la biologiste ne peut s’effacer bien longtemps derrière l’artiste.
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