Sonia Boudreau : Vie en péril
Arts visuels

Sonia Boudreau : Vie en péril

Sonia Boudreau propose à Espace Virtuel une exposition qui fait cruellement sentir l’absence de la vie. Chacun retient son souffle…

Artiste du bio-art dont la démarche implique généralement un matériau vivant – graines, germes, plantes, cactus -, Sonia Boudreau présente cette fois une installation qui évacue le vif et l’évolutif. Plus question – du moins pour cette exposition intitulée Petites Crevasses et protubérances souples – d’intégrer le vivant dans son art.

Et pourtant… C’est tout de même la vie qui est au centre de ce travail installatif. On y perçoit la naissance comme une éruption, sans rétention possible. Un tel accouchement peut être douloureux, lorsque la membrane est crevée par une multitude d’aiguilles. Mais on peut aussi voir apparaître, de ce surgissement de la vie dans l’oeuvre, des êtres prématurés, difformes et incapables.

Force est d’admettre que parler de la naissance, c’est aussi parler de la mort. Les créatures que Boudreau met en scène dans ce projet ont l’air de têtes velues qui auraient pu tomber du panier, au pied d’une guillotine, avant de s’amasser ainsi en tas ou de rouler jusqu’au mur. Comme prises sur le vif, elles demeurent immobiles, rassemblées, empilées, écrasées. Elles sont ce qui subsiste après le sang des révolutions aveugles…

Dans la salle d’exposition pullulent ces êtres sans vie, qui manquent de souffle, branchés à des masques à oxygène, que des canules relient aux autres représentants de cette race étrange, comme dans un ultime appel à la solidarité. D’autres se sont figés avant le temps, au moment de venir au monde, prisonniers mort-nés dans la geôle de membrane qui les étouffait et qui continue de les enserrer.

Travail plutôt sombre de la part de Boudreau, cette fois. Comme si la vie ne pouvait s’exprimer qu’à travers la souffrance et la mort, confrontée à toutes les limites et retenue par toutes les contentions. Peut-être est-ce un appel à l’aide pour une matière vive qui a de plus en plus besoin de nos soins.

L’exposition trouve une extension dans un livre d’artiste intitulé Les Conduits obstrués, disponible à la librairie d’art Point de suspension, dans les locaux d’Espace Virtuel. Quelques phrases, interrogations et assertions, fouillent du verbe les pages de la plaquette, comme si chacune d’elles était une membrane prête à crever pour voir naître une nouvelle créature.

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